Un spécialiste redoute l’accumulation du gaz méthane dans le lac Kivu
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« Il faut éviter que l’accumulation des gaz dissous (surtout le dioxyde de carbone) atteigne le seuil de saturation, au risque de connaître une implosion du lac Kivu, qui provoquerait la mort de plus de trois millions d’âmes ». Ces propos sont de Frédéric Futu, un spécialiste sur le gaz méthane dont il est question ici, dans un article publié par le journal le Phare. C’est un ancien fonctionnaire dirigeant du projet Gaz méthane du Lac Kivu et ex-Directeur Général de la société d’Etat SOCIGAZ. Il a participé de 1983 à 1998 à pratiquement toutes les réunions de la Commission Technique Mixte sur le Gaz méthane du Lac Kivu (CTMZR)
Le spécialiste a indiqué que le gisement de gaz méthane du lac Kivu est situé à la frontière entre la R.D.C et le Rwanda. Les réserves exploitables en méthane sont évaluées à 65 milliards de normaux mètres cubes (Nm3), soit 50 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) et 300 milliards de Nm3 de dioxyde de carbone. Le méthane se régénère chaque année au rythme de 250 millions de Nm3, dont environ la moitié reste piégée dans le lac. La configuration de ce gisement est un fait unique au monde. Les autres gisements de méthane connus consistent en la dégradation thermique du pétrole brut (craquage naturel).
« La mise en valeur du gaz méthane du lac Kivu a toujours figuré parmi les objectifs prioritaires de la politique du développement de la R.D.C. (Est du pays) et du Rwanda, car ses retombées potentielles qui intéressent plusieurs secteurs économiques seraient particulièrement bénéfiques pour le développement non seulement de la R.D.C. et du Rwanda, mais également des pays de la Sous-région. Car, le méthane peut être utilisé non seulement comme source d’énergie, mais aussi comme matière première pour l’industrie chimique », a-t-il souligné.
Selon Frédéric Futu, la situation de guerre qui a sévi à l’Est du pays depuis vingt ans a certainement influé négativement sur le développement du projet gaz méthane côté
congolais, alors que le Rwanda a profité pour progresser dans la mise en valeur du gisement. Ce qui a creusé davantage le retard qui existait déjà entre le Rwanda et la R.D.C. dans l’exploitation du méthane.
Le gisement du gaz méthane du lac Kivu a une particularité qui complique son exploitation, a-t-il affirmé. Cette complication est consécutive, d’abord, à ses conditions spécifiques de pression et de température, car le gaz méthane se trouve dissous dans les profondeurs du lac Kivu (à partir de 250 mètres de profondeur). A côté du méthane, le lac Kivu regorge également du dioxyde de carbone dans un rapport de 1/5. La recherche du procédé pour séparer sous pression ces deux gaz, constitue le préalable pour exploiter cet hydrocarbure. Ce que le Rwanda, apparemment, vient de développer. Ensuite, il y a le PH (acidité) du lac Kivu qui est basique en surface et acide en profondeur (difficulté dans le choix des matériaux). Enfin, vient la taille du gisement (65 milliards Nm3), relativement faible sur le plan mondial, et l’enclavement de l’Est de la R.D.C. (obligation de paiement de droits de passage en cas d’exportation), exclut l’exportation du gaz méthane à l’état brut.
A la question relative à l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu par la R.D.C., le spécialiste estime qu’il y a lieu de noter, que contrairement au Rwanda qui s’est toujours intéressé à l’exploitation de cet hydrocarbure, notamment en mettant en place une structure
chargée de la promotion et de l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu «UPEGAZ», la partie congolaise ne s’est pratiquement jamais intéressée à cette richesse. Certes, quelques actions ont été menées depuis fin 2013 pour la mise en valeur de ce gaz côté congolais.
Actions restées sans suite concrète à ce jour, alors que la R.D.C. possède un plus large débouché pour le gaz méthane. En effet, outre le fait que le Nord et le Sud- Kivu connaissent présentement un déficit énergétique, le gaz méthane peut servir dans la propulsion automobile
ou encore dans la fabrication des engrais azotés.
Le spécialiste est convaincu que l’exploitation rapide et harmonieuse du gaz méthane du lac Kivu par le Congo, passe par une meilleure implication de la COHYDRO qui devrait davantage s’investir dans la mise en valeur du gisement, de manière à identifier les projets à réaliser à court, moyen et long terme; à négocier des partenariats avec des futurs investisseurs et assurer ainsi le transfert de technologie. Pour ce faire, le Gouvernement congolais devrait permettre à COHYDRO de «miser» le gaz méthane dans les négociations avec les partenaires dans la création des joint-ventures ; à pouvoir optimiser l’exploitation et veiller à maximiser la production du méthane par concession ; à ù !assurer la promotion du gisement, sans pour autant créer une nouvelle structure qui nécessiterait des frais de fonctionnement. Autrement dit, il faudrait envisager de mettre en place une structure autonome chargée du développement de ce gaz, à l’instar du Rwanda.
En ce qui concerne le financement de ce projet, Frédéric Futu fait remarquer qu’aujourd’hui, à part les aspects techniques, notamment le développement des procédés d’extraction de gaz, rien ne s’oppose à l’exploitation industrielle de cette richesse. En effet, les deux pays (Rwanda et R.D.C.) ont signé le 03 mai 1975 la Convention de Bukavu, instituant une copropriété de deux Etats sur cette ressource. Le 15 avril 1998, le Rwanda et la R.D.C. ont signé à Kigali les Textes Réglementaires qui fixent les conditions financières d’exploitation du méthane. Ce document permet à chaque pays copropriétaire du gisement de produire sur son «sol» le méthane, moyennant le versement de la redevance de copropriété. En d’autres termes, le pays copropriétaire du gisement qui exploite, de manière industrielle, le gaz méthane doit verser à l’autre une taxe, appelée redevance de copropriété, fixée à
0,007 DTS/NM3.
La question que l’on peut se poser à ce stade est celle de savoir si le Rwanda, qui exploite déjà le gaz méthane, verse à la RDC cette redevance. Si oui, quelle structure la perçoit et quel usage en fait-il ?
Le spécialiste ne s’arrête pas là. Il renseigne qu’en vue de pallier ou réduire le retard enregistré par le Congo dans l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu, il revient à la R.D.C. de mettre tout en œuvre pour relancer SOCIGAZ et bénéficier du procédé d’extraction du méthane développé par le Rwanda, par le truchement de SOCIGAZ, en conformité avec les textes qui la régissent ; de négocier avec le Rwanda, notamment en s’appuyant sur les accords antérieurs (cfr les différentes résolutions des CTMZR), pour amener le Rwanda à mettre à sa disposition le fameux procédé, de manière à lancer l’exploitation de cet hydrocarbure du côté congolais dans les meilleurs délais.
Pour Frédéric Futu, les 2 pays ont tout intérêt à exploiter rapidement et à grande échelle ce gisement. Nous pensons qu’il n’a pas tort.
JRB