Un géologue parle de la proposition de Félix Tshisekedi sur la certification des ressources minérales de la RD Congo
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Le Président Félix Tshisekedi, dans son discours sur l’état de la nation, le vendredi 13 décembre 2019, a proposé au Gouvernement de faire la certification des ressources naturelles de la RDC. Le Papyrus a demandé au Professeur Jacques Batumike ce qu’il pense de cette proposition. Il vient de nous faire parvenir sa réaction où il fait des propositions sur les étapes à suivre en ce qui concerne les ressources minérales. Le Professeur Batumike enseigne en Macquarie University, Sydney, en Australie. Voici sa réaction dans son intégralité.
La République Démocratique Du Congo a toujours été reconnue comme un scandale géologique eu égard à la quantité des ressources minérales qu’elle contient. Ce terme venait du fait que dans la RDC les concentrations minérales retrouvées étaient trop élevées comparées aux autres gisements de par le monde. Par exemple dans le porphyrycopper de Chili, où les gisements ayant des teneurs de 1% Cu sont considérés très économiques, en RDC à la Gécamines par exemple, la teneur d’exploitation était au-dessus 5% Cu pour certains gisements. La RDC est très particulière dans ce sens qu’elle contient aussi des minéraux dits stratégiques qui n’existent que rarement dans peu des pays, c’est par exemple le cobalt, le lithium, le coltan, les terres rares, et même le diamant.
Mais curieusement, la RDC ne détient pas le monopole des informations sur les ressources de sa terre. Bien de fois ce sont des organismes étrangers, sans citer les noms, qui s’approprient ces informations par ce qu’ils ont financé des recherches à ces sujets.
Ainsi donc, la certification des ressources ou réserves minérales est une bonne chose mais avant de parler ressources, on doit d’abord identifier des indices de ces minéraux et c’est seulement en approfondissant des recherches que l’on pourra ainsi avoir une idée sur la quantité de ressources qui peuvent être valorisées. Cet exercice doit donc commencer par les travaux préliminaires consistant en la cartographie détaillée, identification des anomalies de surface, forage des anomalies intéressantes, possiblement un approfondissement de ces informations par la géophysique, puis la quantification des ressources qui pourront être converties en réserves après des études plus approfondies.
Dans l’exploration minière, il y a en principe quatre étapes principales qui doivent être suivies : 1-l’identification des indices de surface couplée avec la cartographie géologique détaillée, 2- Identification des gites par forage ou autres méthodes indirectes (ex. géophysique), 3- Identification et calcul des ressources et 4- Transformation des ressources en réserves
- Identification des indices
Cette étape se fait normalement après une étude de bureau pour l’identification d’une géologie ou structure susceptible d’être porteuse de la minéralisation recherchée. Ceci se fait par un échantillonnage systématique des sols, roches ou même des sédiments de rivières. Durant cette étape le géologue s’efforce aussi de collecter des données qui peuvent aider dans le raffinement de la carte géologique. Ceci va aboutir non seulement à la découverte des anomalies géochimiques mais aussi à l’établissement d’une carte géologique détaillée. Ces échantillons sont envoyés au laboratoire pour analyse géochimique. Les résultats sont alors interprétés par un géochimiste en vue de trouver des zones d’anomalies qui peuvent faire l’objet de la poursuite des travaux.
Dans le cas de la RDC, il existe bien une carte des indices minéraux, mais la carte est vieille. Pour preuve, on ne trouve pas sur cette carte des indices de lithium et terres rares par exemple. Ceci par ce que quand la carte a été établie les analyses géochimiques n’étaient pas aussi avancées qu’aujourd’hui. Une question est aussi la source d’information lors de l’établissement de cette carte. Certains indices sont basés sur des extrapolations ou communications orales. Ceci est aussi vrai pour la carte géologique de la RDC qui doit aussi faire objet de la mise à jour. Cet échantillonnage systématique de la RDC peut permettre aussi la collecte des informations susceptibles de raffiner la carte géologique, surtout avec les datations des roches.
- Identification des Gites
Apres identification des indices ou anomalies, la confirmation de leurs extensions tant latérale que verticale est importante pour parler de l’existence d’un gite (bloc minéralisé). Ceci se fait par des sondages ou forages (verticaux ou obliques dépendant du style de minéralisation), mais peut aussi se faire par des méthodes indirectes comme la géophysique (magnétisme, gravimétrie ou électricité). A cette étape on peut déjà avoir une idée des teneurs et aussi vaguement du volume du minerai mais on ne parle pas encore des ressources.
- Les Ressources
Le gite découvert va faire l’objet de plus de forages à mailles beaucoup plus réduites qu’à l’étape précédente, en vue d’établir avec beaucoup de confidence la quantité (volume) et teneur du minerai. On parle alors des ressources qui peuvent être déduites, indiquées ou mesurées selon le degré de confidence sur les données collectées et la maille de forage. La majeure partie des indices minéraux de la RDC n’ont pas encore fait l’objet de forage, et il est important de confirmer les indices et de les amener au niveau des gîtes pour enfin y établir des ressources.
- Les Réserves
Apres avoir calculé les ressources, la partie ‘réserve’ de ces ressources va dépendre des paramètres économiques liés au coût de l’exploitation, transport et prix du minerai sur le marché. Les réserves sont donc la partie des ressources qui peuvent être exploitées avec profit. On va aussi tenir compte de l’impact environnemental car il faut toujours être en mesure de remédier à la destruction de l’environnement que va causer l’exploitation minière. C’est avec la quantité des réserves que l’on peut définir la durée d’une mine, par exemple.
Donc en bref, si la RDC veut certifier la quantité de nos ressources minérales, il y a des étapes qui doivent être suivies. Evidemment toutes les régions du pays ne sont pas connues équitablement en matière de géologie, il est donc important d’y aller cas par cas. Ceci devra être fait à travers les services techniques comme le Service Géologique National ou le Centre de Recherches Géologiques et Minières, sous le patronage du Ministère des Mines. Les universités, à travers les Départements de Géologie regorgent aussi une main d’œuvre spécialisée pour ces genres des travaux. Le pays a suffisamment d’universités qui couvrent presque tout le territoire avec des Départements de Géologie. Ces études peuvent être faites sous forme de mémoire de licence, maîtrise ou doctorat, ou encore de stage de fin d’études.
Pour la RDC, il est impérieux de commencer par la confirmation des indices existants et la découverte d’autres indices ; deuxièmement, approfondir les connaissances sur ces indices pour identifier ceux qui peuvent conduire à des gîtes regorgeant des ressources qui peuvent être transformées en réserves. Ces informations sont capitales car elles permettront aux décideurs de savoir la quantité des réserves minérales dans le pays. Çà ne sera pas étonnant de voir la RDC doubler les substances minérales exportables qui sont à 11 pour le moment.
Prof. Jacques BATUMIKE
C’est vrai qu’on ne peut pas certifier quelque chose qu’on connait mal. Tous les indices basés sur l’extrapolation et la communication orale nécessitent des études plus approfondies afin d’être confirmés comme étant des ressources. Avant de parler de ressources, les étapes décrites par le prof sont incontournables.
Le professeur Batumike a parfaitement raison sur le fait que notre pays regorge une main d’œuvre spécialisée pour ces genres des travaux.
Moi personnellement je suis prêt à apporter ma contribution pour aider mon pays à effectuer ces travaux. Que ce soit dans le cadre de travaux de maîtrise ou doctorat, ou encore de stage de fin d’études. Pourvu que les informations qui permettront aux décideurs de savoir la quantité des réserves minérales dans notre pays soient mises à leur disposition.
Voilà ! Merci beaucoup prof Jacques de l’avoir partagé.