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Témoignage pour motiver la diversification des cultures

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Professeur Kizungu Roger

Quand un fermier se lance en agriculture, souvent par influence des pratiques modernes très vulgarisées, il s’installe sur une grande superficie pouvant aller jusqu’à 100 ha ou même 3000 ha et vise tout de suite un marché vaste et lointain par rapport au site de production. En pratique, son choix finit par se porter sur un seul produit dont il possède beaucoup d’informations et qu’il semble maîtriser. Il privilégie le produit avec d’une part un bénéfice (marge brute) important, et d’autre part faciles à conditionner, à conserver et donc qui se prête au long transport. Pour mettre en valeur sa ferme, il lui faut un financement pour ses investissements importants. Il arrive qu’il s’endette. Parfois il commence avec quelques ares puis avance et se stabilise après quatre à cinq ans parfois sur moins de 5 ha quand bien même il a une concession de superficie 10 ou même 20 fois plus. D’où une relation inverse, troublante entre la productivité et la superficie de l’exploitation rapportée par Rosset (1999).

Cette approche semble plus naturelle pour un fermier pour qui le sol est un outil de production qui doit afficher une grande performance. Elle a produit de grandes fermes et de productions importantes. Elle est en revanche butée à la longue à une difficulté. En effet, chaque année, suite à l’inflation, le bénéfice de l’exploitation baisse car, le prix des produits agricoles ne varie pas ou peu sur le marché, tandis que les charges des intrants (engrais, pesticides, carburant…) ne font qu’augmenter. Ce qui arrive toujours. Donc, d’une année à une autre le fermier s’appauvrit, parfois sur trois générations, sans s’en rendre compte et se plonge dans le cycle infernal des dettes. C’est ce qui explique le nombre des suicides de plus en plus grand chez les agriculteurs en Europe

Une approche alternative consiste à prendre une ferme à dimension humaine pouvant se limiter à 5 ha et à y diversifier les activités et les productions selon les principes de l’agroécologie (Altieri, 2005).

Cette note donne le témoignage d’un exploitant de tabac à la ferme familiale « El Palmar » au Cuba qui a opté de faire le tabac en monoculture sur 2 hectares de sa concession de 5 ha. Au début, sa production lui assurait une ressource annuelle confortable et décente pour 3 membres actifs sur les 5 que comptait la ferme. Il est, affilié à une coopérative qui garantissait la vente des 55% de sa production et y contribuait pour 8% des bénéfices. En retour, la coopérative offrait des facilités essentiellement des informations de l’accès aux intrants et au marché. Il achetait tout ce qu’il mangeait au marché.

Chaque saison, il est confronté au besoin d’un premier herbicide appliqué avant la plantation après un faux-semis et un deuxième juste après la plantation. Il est face au mildiou, principal parasite, qui nécessite au moins quatre traitements tous les 10-14 jours. Il doit surmonter le besoin en main d’œuvre évalué entre 500 et 800 heures, surtout au moment de la cueillette et du tri. Il doit être capable de faire fonctionner un four pour sécher son tabac et supporter les frais de conditionnement en balles. D’où une charge d’exploitation exorbitante et donc un bénéfice qui s’amenuisait au fil du temps.

L’agriculteur explique le processus de transition agro-écologique qu’il a insufflé à sa ferme (Lucantoni, 2020) en se fondant sur les principes de l’agro-écologie (Altieri, 2005). Il montre comment, en diversifiant sa production, il a commencé par la production des porcs et des lapins qu’il a liquidés quelques temps après pour acheter les arbustes de goyaviers.

Au moment où il rapportait ce témoignage, il a installé les goyaviers sur 1ha (1800 kg/an, 4% consommés, entrée de 6048 $).

Les goyaviers étaient en association avec la tomate (200kg, 100% consommés) et le gombo (okra) (75 kg, 27% consommés, entrée de 137$)

Il a planté 0.3 ha des bananiers (Musa paradisiaca) (500 kg, 30% consommés, entrée 1750$). Il produit d’autres fruits sur 0.5 ha. On peut citer: – avocat (Persea americana)(40 kg, 100% consommés) – Anacardier (Anacardium occidentale) (20 kg, 100% consommés) – Cœur de bœuf (Anona cherimola) (80 kg, 100% consommés), – Pouteria campechiana (20 kg, 100% consommés) – Pamplemousse (Citrus x paradisi) (40 kg, 100% consommés)

La ferme était en pente. Sur ses flancs en parcelles délimitées par les courbes de niveaux, il a planté 0.5ha des céréales, racines tubéreuses, légumes, légumineuses en rotation des cultures. Il cite: Betterave (Beta vulgaris), 25 kg, 16% consommés, entrée 63 $ – Manioc (Manihot esculentus), 1000kg, 60% consommés, rentrée 600 $, – Haricots verts (Phaseolus vulgaris), 120 kg , 10% consommés, 432 $ – Epinard (Spinacia oleracea), 60 kg 35% consommés, entrée 117$ – Betterave sauvage (Beta vulgaris cicla), 35 kg 100% consommés – Patate douce (Ipomea batata), 1500 kg, 18% consommés, entrée 2460 $ – Brocoli (Brassica oleracea Italica), 20 kg, 100% consommés. – Carottes (Daucus carota), 50 kg 100% consommés – Lactuca sativa, 350 kg, 15%, 1488$ – Choux (Brassica oleracea) (700 kg, 16% consommés, 1764 $) – Oignon (Allium cepa), 38 kg 100% consommés.

Il a planté aussi 0.5 ha de maïs et haricots en association. – Haricots commun (Phaseolus vulgaris), 300 kg, 100% consommés, – Maïs (Zea mays), 120 kg, 100% consommés Dans le bas fond, il a planté 2ha de riz et tabac. – Riz (Oryza sativa), 800 kg, 100% consommés – Tabac (Nicotiana tabacum), 1000 kg 0% consommés, entrée 15000 $

A la limite il a laissé une bande de 10 m de palmier Autour de la maison sur près de 600 m² des cultures aromatiques, médicinales et autres. On retient :  – Piment (Capsicum baccatum), 65 kg, 8% consommés, entrée 601 $ – Café, 40 kg, 100% consommés

Au total il a étendu ses activités sur 4.86 ha et assure des rentrées d’argent de 30460 $ soit 2538 $/mois. Comme animal il a 2 bœufs pour labourer, 2 vaches pour le lait, 2 ânes pour le transport et 20 ruches qui améliorent la pollinisation et produit du miel.

Dans cette approche, la productivité par unité de surface est manifestement plus grande que dans son approche monoculturale. Il a désormais un revenu non pas annuel mais régulière et a des ressources alimentaires de plus en plus disponibles et suffisantes. Un

développement de la ferme selon les principes de l’agro-écologie et de la permaculture assure une productivité croissante d’une année à une autre et donc, le fermier devient chaque jour plus riche que la veille.

Prof. Kizungu Vumilia Roger 

Références

Altieri M.A. Clara I. Nicholls, (2005), Agroecology and the Search for a Truly Sustainable Agriculture, 1st edition, Basic Textbooks for Environmental Training, University of California, Berkeley

Kizungu V.R. (2021) La Permaculture son Ethique, ses Principes et ses Stratégies. Non édité.

Lucantoni D., 2020, Transition to agroecology for improved food security and better living conditions: case study from a family farm in pinar del río, cuba, agroecology and sustainable food systems, https://doi.org/10.1080/21683565.2020.1766635

Rosset P. (1999), The multiple fonctions and benefits of small farm agriculture, In the context of global trade négociations. , Food First, The Institute for food and development policy, Policy brief n°4,

 

 

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