République Démocratique du Congo : Un Scandale Géologique
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Introduction
Le République Démocratique du Congo (RDC) a toujours été mentionnée comme un scandale géologique. Ceci était dû au fait que c’est dans ce pays qu’on avait découvert non seulement des gisements très riches et faciles à exploiter (cas des gisements cuprifères du Katanga) mais aussi une diversité des minéraux de valeur économique. Depuis les temps coloniaux ce slogan n’a cessé de passer à travers les oreilles des Congolais mais jusqu’à ce jour personne ne peut donner un chiffre exact sur les réserves minérales de la RDC. Nous sommes dans une période où tout développement doit être basé sur une bonne planification. Curieusement le gouvernement de la RDC renferme les ministères des mines et hydrocarbures, de la recherche scientifique, du plan, etc. qui devaient travailler en collaboration en vue d’élucider ou de connaitre ce que nous avons avant de planifier notre développement. Encore faudra-t-il se poser la question de savoir le budget alloué à la recherche scientifique qui est orienté vers la géologie. La RDC est un pays a vocation minière et rien que ce domaine peut être un pilier pour le développement sans oublier l’agriculture.
Ce récit, loin d’être une lettre de référence, n’a comme objectif que de réveiller notre conscience afin que nous soyons en mesure de nous réorganiser dans ce secteur. Nous parlerons plus d’abord du diamant en RDC et dans la suite (numéro suivant) on touchera les autres aspects de la géologie de la RDC. Ici nous mentionnons ce que nous connaissons sur le diamant en RDC sur le plan localisation et ressources.
- Le Diamant en RDC
Le diamant est un minéral précieux qui se forme dans les domaines très profonds de la terre ou les conditions de pressions et températures sont favorables à sa cristallisation ou sa formation. Il est transporté à la surface par un magma dit kimberlitique (la roche qui se forme par le refroidissement de ce magma est appelée kimberlite) ou autre magma associé au magma kimberlitique (les lamproites). Il est dès lors important pour tout géologue explorateur de chercher ou de localiser la kimberlite avant de penser à trouver le diamant.
La RDC est l’un des pays producteurs du diamant mais de moins en moins le diamant compte parmi les exportations qui contribuent au budget national. En RDC deux champs kimberlitiques sont connus: le Kasaï et le Katanga (Fig. 1), mais les traces de diamant ont été signalées dans le Bandundu et dans la Province Orientale. Il est intéressant de signaler que le premier diamant de la RDC a été trouvé dans le Katanga mais loin du Plateau du Kundelungu ou affleurent les kimberlites. Ceci est resté un mystère jusqu’à nos jours et personne ne peut répondre à la question de savoir d’où provenait ce diamant.
Dans la Kasaï, a Mbuji Mayi ou dans le Bakwanga, le diamant est exploité industriellement par la Minière de Bakwanga (MIBA) mais beaucoup d’opérateurs artisanaux produisent en grande quantité le diamant. Dans cette partie du Kasai les kimberlites sont connues et ont été datées autour de 70 millions d’années, un âge connu pour les kimberlites en Angola et en Afrique du Sud (Cahen et al., 1984 ; Démaiffe et al., 1990). Néanmoins des études récentes ont montré qu’il y a eu trois épisodes de magmatisme kimberlitique, durant les périodes Archéennes (~1800 millions d’années), Néoprotérozoïque (500-600 millions d’années) et Crétacé (90-70 millions d’années). Il reste encore incertain de dire laquelle de ces trois épisodes magmatiques a été porteuse du diamant. L’étude pétrologique combinée avec la géochimie des xénolites du manteau (qui sont des roches de grandes profondeurs que la kimberlite arrache durant son ascension vers la surface de la terre) permettent de dire si la kimberlite est porteuse du diamant ou non. Ceci a toujours été associé à la localisation géotectonique de la région où le magma kimberlitique s’est mis en place. Les régions cratoniques sont toujours favorables que les régions d’orogenèse récente.
Dans le Kasai Occidental, le diamant est trouvé dans les alluvions et aucune kimberlite n’a été identifiée à ces jours. Certaines compagnies minières (comme Gravity Diamonds) ont essayé de trouver la kimberlite mais la présence de beaucoup de roches basiques dans la région n’a pas permis à la géophysique de discriminer avec aise les kimberlites des autres roches basiques. Les diamants dans cette région sont considérés comme provenant des kimberlites de l’Angola, mais une étude récente basée sur la morphologie des minéraux accompagnateurs du diamant incluant zircon, grenat et ilménite a indiqué que ces minéraux n’auraient pas été transportés sur des longues distances (Batumike et al., 2009a). Ces auteurs ont postulé sur l’existence de la kimberlite dans cette région. La même conclusion peut être appliquée pour les diamants trouvés dans le Bandundu.
Dans le Katanga, la kimberlite affleure dans le Plateau de Kundelungu (Figures 1 et 2) ou une trentaine de pipes kimberlitiques ont été identifiées (Figure 2). Cette kimberlite a toujours été considère comme stérile malgré que des traces de diamant ont été trouvés dans cette région (p.e. Kampata, 1993). Une récente étude a trouvé que la kimberlite est jeune par rapport à celle de Mbuji Mayi (30 millions d’années, Batumike et al., 2008, 2019) et que les conditions de pressions et températures étaient favorables pour la formation du diamant (Batumike et al., 2009b). Mais cette conclusion a rencontré beaucoup de controverses et demande plus d’études. Ces conditions sont montrées par un gradient géothermique similaire à celui dans les zones cratoniques, et la présence des grenats dont la composition est similaire aux grenats inclus dans le diamant (dans d’autres régions). Peu d’études ont été faites (comme Verhoogen, 1938) et même les campagnes d’exploration effectuées dans la région n’ont pas été publiées.
L’origine des diamants de l’ancienne Province Orientale n’a jamais été objet de recherche. Ceci est une preuve que bien que la RDC est dite scandale géologique il y a encore beaucoup d’aspects que le monde scientifique ignore de ce grand pays. Les recherches doivent être entreprises dans ces parties rien que pour le diamant. Il y a maintenant des techniques qui permettent de cartographier une grande région sans avoir à marcher sur chaque affleurement. La géochimie des sédiments (dans les rivières) est un outil indispensable pour la réalisation de la cartographie de la RDC, considérant le fait que ce pays est bien traversé par les rivières. Ceci demande une réorganisation des services de recherche comme le Centre de Recherche Géologique et minière (CRGM). Nous continuerons à demander l’ouvertures des écoles techniques qui formeront des explorateurs comme par le passé, pour joindre notre voie à celle des autres qui ont montré l’importance de ces écoles.
Le diamant est aussi connu dans l’ancienne province du Bandundu et dans le Congo Central mais encore une fois il n’y a pas d’études faites pour cela. Ceci montre que les scientifiques géologues ont encore beaucoup à faire dans notre RDC.
Dans le numéro suivant nous parlerons du Cuivre dans la RDC.
References
Batumike et al., 2008 Earth and Planetary Science Letters 267, 609-619
Batumike et al., 2009a Precambrian Research 170(1–2), 107–115,
Batumike et al., 2009b Lithos 112, S1, 166-176
Batumike et al., 2019 Journal of African Earth Sciences
Cahen et al., 1984. The geochronology and evolution of Africa. Clarendon Press, Oxford, 512 pp
Demaiffe et al., 1990 Magmatism in Extensional Structural Settings (Kampunzu and Lubala, Eds): The Phanerozoic of African Plate. Springer Verlag, 532-559
Kampata, M.D., 1993 These de Doctorat, Université Catholique de Louvain, Belgique, 248pp
Verhoogen J., 1938. Comité Special du Katanga 9, 1-49