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RDC : Les conclusions du 1er Congrès national des Sciences et des Technologies

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Après plusieurs mois de demande et d’attente, le Papyrus a obtenu le jeudi 27 janvier 2022 des initiateurs du 1er Congrès national des sciences et des technologies le document relatif aux conclusions de ces assises. Ceci soulève la question de la communication dans le chef des scientifiques congolais. Communiquent-ils à temps ?  La question reste posée, en attendant voici ce document dans son intégralité.  

 

INTRODUCTION

Le premier Congrès National des Sciences et des Technologies (CNST) s’est tenu du 11 au 13 août 2021 sous le thème « Recherche scientifique, technologique et industrielle en RDC – Bilan et perspectives pour soutenir le développement » . Organisé par l’Académie Congolaise des Sciences (ACCOS) et l’Association Congolaise pour l’Avancement de la Science, de la Technologie et de l’Industrie (ACASTI) sous le haut patronage de S.E. Monsieur le Ministre de la Recherche scientifique et de l’innovation technologique, le Congrès a rassemblé 45 personnes en présentiel à INRB, Kinshasa et 60 personnes en virtuel des 26 provinces du pays, de l’Afrique du Sud, de la Belgique , du Benin, du Canada, de la Chine, du Japon, du Kenya, du Maroc et des USA.

L’objectif du Congrès était d’examiner et de faire l’état des lieux de soixante années de recherche scientifique, technologique et industrielle en RDC afin de proposer des pistes des solutions pour le développement national.

Plus spécifiquement, le Congrès a examiné l’état actuel de la recherche scientifique en RDC ainsi que son impact sur le développement national et la croissance économique. Il a proposé des pistes de solutions aux préoccupations suivantes :

  • Ressources financières et technologiques insuffisantes
  • Utilisation limitée ou absente des résultats des recherches dans la mise en œuvre des politiques et programmes nationaux
  • Méfiance ou déconnexion entre chercheurs scientifiques et décideurs politiques
  • Isolement des scientifiques nationaux
  • Absence d’une politique cohérente sur la RSTI

PRINCIPALES CONCLUSIONS

La République Démocratique du Congo était, en son temps, un pays émergeant (1950-1960). Elle a impulsé les secteurs stratégiques de la recherche dans plusieurs domaines notamment, agricole, nucléaire, et minière. Elle était autosuffisante dans plusieurs domaines et ce, grâce à la recherche aussi bien scientifique qu’industrielle qui accompagnait son développement ;

Nous ne sommes pas sans savoir que les différents gouvernements qui se sont succédés ont fourni des efforts politiques pour maintenir cet élan de la recherche, mais hélas! Cela n’était pas accompagné des résolutions fermes et déterminantes de financement ;

Le manque criant d’une dynamique de la recherche scientifique, technologique et industrielle fut longtemps critiqué, notamment lors de la Conférence Nationale Souveraine (1992) ainsi que lors des Etats généraux de la recherche scientifique dont les résolutions et recommandations sont restées lettre morte ;

Conscients que la recherche scientifique, technologique, industrielle est marginalisée compte tenu de l’inadéquation entre les ressources nécessaires et les ressources allouées qui sont inférieurs à 1% du PIB en RDC, et ce, en contradiction avec les recommandations de l’Union Africaine qui demande et encourage ses pays membres à mettre plus de ressources dans la recherche scientifique afin de booster le développement des populations en vue de sortir du sous- développement d’ici 2030, soit 1% de leur PIB ;

Conscients que peu de chercheurs s’intéressent actuellement à la recherche appliquée par manque des moyens et d’équipements, de plus la formation dans les universités de la République Démocratique du Congo souffre d’un manque criant de l’aspect pratique propice au développement socio[1]économique surtout pour les facultés à caractère scientifique et technologique;

Conscients que le pays alloue moins de 0,5 % de son PIB à la recherche scientifique, technologique et industrielle, et que celle-ci est de plus en plus financée par les organisations étrangères qui l’accompagnent d’un cahier de charge qui ne satisfait pas aux besoins locaux, conduisant inéluctablement à un climat de méfiance entre les chercheurs et le pouvoir politique ; sachant que le budget alloué à la recherche scientifique n’est que pour rémunérer son personnel ;

Conscients que les universités congolaises ne se retrouvent pas dans le carré des universités qui impulsent les économies de leurs Etats par des recherches scientifiques, technologiques et industrielles poussées. De même les instituts de recherche publique du pays à l’instar de l’INERA, le CREN/K, le CRGM, l’IGC ; l’OVG et l’IRSN Lwiro ne sont guère productifs comme dans le passé faute d’une politique adéquate de financement ;

Reconnaissant que la République Démocratique du Congo est un pays aux potentialités immenses avec une étendue territoriale suffisante, un climat propice à l’agriculture, à l’élevage ; un sol et un sous-sol riches en minerais ; une hydrographie généreuse ; une densité de la population variée et une main[1]d’œuvre jeune ;

Reconnaissant que les désaccords et l’incompréhension entre le pouvoir politique du pays, les universités et les chercheurs ne sont que des facteurs entrainant la République Démocratique du Congo dans le sous[1]développement ;

Reconnaissant que l’Etat congolais avec son pouvoir politique serait à même de propulser la recherche scientifique, technologique et industrielle et que la recherche scientifique pourrait contribuer significativement à hisser la République Démocratique du Congo au rang des pays émergents, si une vision et un plan national en matière de recherche scientifique et technologique sont conçus à cet effet ; ainsi les participants recommandent ce qui suit :

I. A l’attention du gouvernement

Ø Augmenter le financement de la recherche scientifique, technique et industrielle de plus de 0,5 % pour atteindre d’ici à 2030 le 1% du produit intérieur brut (PIB) en ligne avec la recommandation de l’Union Africaine. Comme convenu dans la Décision de Khartoum1, ces ressources financières permettront au pays de développer et appliquer des stratégies d’innovation pour la création de la richesse et le développement socioéconomique,

Pour ce faire et selon les lignes directrices des institutions de l’Union Africaine et des Nations Unies2, le gouvernement pourra notamment :

(i) Établir des mécanismes de financement public clairs pour les projets publics et privés de recherche scientifique, technique et industrielle pour le développement ;

   (ii) Trouver des contrats publics de recherche scientifique, technique et industrielle destinés aux institutions nationales de recherche ainsi qu’aux universités ;

  (iii) Encourager et faciliter la commercialisation des résultats et produits de la recherche scientifique, technique et industrielle grâce à des politiques nationales claires ;

(iv) Accompagner l’émergence et la croissance des technopoles comme moteurs de la recherche scientifique, technique et industrielle pour le développement ;

Ø Mettre en place un Fonds National de Recherche Scientifique et Technologique en République Démocratique du Congo (FNRST, en sigle). Ce fonds fiduciaire devrait être constitué sur le modèle du Fonds Okapi pour la Conservation de la Nature en RDC (FOCON) avec des financements du gouvernement, du secteur privé et des partenaires financiers. Il visera à répondre de manière durable aux problématiques de financement des travaux de recherche y compris la construction et l’amélioration des infrastructures ainsi que l’achat des équipements et consommables. Les intérêts générés par le fonds seront alloués, sur base de concours et de la pertinence des projets, aux objectifs de développement relatifs à tous les secteurs socioéconomiques inscrits dans les documents stratégiques du pays ;

Ø Encourager la création de technopoles et soutenir les initiatives en cours de la création de telles institutions (voir la liste indicative de telles institutions ; par ex. le CICE, dans la section des résolutions à l’attention des institutions nationales de recherche ainsi que des universités) ;

Ø Développer et renforcer la culture de la recherche dans les systèmes d’éducation nationale en promouvant notamment l’esprit d’observation, de curiosité, de questionnement, et d’innovation chez divers acteurs de ce secteur ;

Ø Assurer en permanence dans les institutions de recherche la fourniture de l’eau, de l’électricité et de l’internet ;

Ø Créer des universités et écoles supérieures dans les domaines des sciences appliquées et technologiques sur toute l’étendue du pays. Dans un premier temps, à raison d’une institution par province, tout en se basant sur la répartition des filières pour permettre le jumelage ainsi que la mobilité des chercheurs et étudiants ;

Ø Placer la recherche parmi les priorités du pouvoir public, c’est-à-dire qu’elle soit inscrite dans le programme du gouvernement ;

(v) Mettre sur pied une facilitation dans l’acquisition des équipements et matériels pour les chercheurs par la mise en place d’une bonne politique d’exonération douanière.

 II. A l’attention du secteur privé

Ø Contribuer au Fonds National de la recherche scientifique et technologique sur le plan matériel et financier en proposant des thématiques de recherche afin de résoudre les problèmes rencontrés dans leur domaine d’activités ;

Ø Commissionner et financer des recherches qui répondent à leurs besoins ;

Ø Soutenir la recherche dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises, une recherche qui cible notamment les questions sociales du pays et aussi faciliter les stages d’apprentissage et de professionnalisation aux étudiants et autres apprenants en cours de formation et ce par la création d’un bureau de concertation mixte ‘’académique- employeur’’ ;

III. A l’attention des institutions universitaires et institutions nationales de recherche

Ø Développer et renforcer la culture de la recherche dans l’éducation ;

(i)Orienter les travaux pratiques sur les thématiques en adéquation avec l’esprit de lier la théorie à la pratique tout en mettant à disposition des équipements et consommables appropriés ;

 (ii) Organiser des projets- étudiants (chaque année) et des projets multisectoriels, sur des problèmes de la vie courante posés par les communautés. Ceci permettra aux étudiants de se confronter aux réels problèmes de la vie nationale tout en leur octroyant des moyens conséquents pour pouvoir y associer des solutions Low-cost et High[1]tech ;

 Ø Mettre en place un programme national de financement des études du troisième cycle ainsi que les études post-doctorales. Ceci permettra aux chercheurs de travailler sur les thématiques d’intérêt national en lieu et place de faire de la recherche pour la recherche. A titre d’exemple, la grande partie des chercheurs congolais, formés et financés en dehors du pays, abordent des thématiques non valorisables en République Démocratique du Congo à cause du principe « la main qui donne, c’est la main qui dirige » ;

Ø Inciter les chercheurs à développer des projets de recherche et à se familiariser avec la recherche des financements et à s’appliquer pour trouver des financements ;

Ø Encourager à développer des nouveaux projets de recherche répondant aux besoins des populations ( exemple, le problème de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, la santé publique, le problème lié à l’approvisionnement en eau potable et énergie électrique ) et favoriser la collaboration entre les entreprises opérant dans les secteurs de l’eau et de l’électricité et les chercheurs des universités et des centres de recherches pour la recherche des solutions alternatives et durables appropriées aux deux secteurs, surtout pour les milieux ruraux ;

Ø Créer un centre dénommé Centre Congolais de Cartographie et d’Observation de la Terre (CCOCOTE, en sigle) dont l’objectif sera de faire les inventaires des ressources naturelles par la télédétection à travers le Satellite, afin d’informer et d’alerter, dans certains cas, le gouvernement, la population, les industries et tous les acteurs de la société congolaise sur la gestion rationnelle de ses propres ressources naturelles ;

Ø Encourager la fédération des associations professionnelles scientifiques en une structure comme l’ACASTI et mettre en place un système d’évaluation de la recherche nationale à travers un congrès dans une des villes de la République Démocratique du Congo, par rotation, tous les deux ans ;

Ø Faciliter la mobilité des chercheurs pour l’enrichissement des connaissances et les échanges des expériences avec ceux qui sont déjà avancés dans les mêmes domaines, ceci passe par la maitrise des effectifs des divers acteurs dans chaque domaine, afin de faciliter leur mutualisation par la création des réseaux regroupant les chercheurs par filière.

IV A l’attention de la diaspora congolaise

Ø Contribuer dans le développement d’idées de recherche et dans la recherche des financements ;

Ø Assister la RDC dans la recherche de la mise en place et la réalisation des partenariats avec les institutions étrangères ;

Ø Apporter leur expertise et participer activement aux travaux de recherches menés au pays ;

Ø Etablir des réseaux avec les scientifiques et chercheurs dans le pays

Ø Contribuer à la mise en place des réseaux multinationaux et interinstitutionnels entre les chercheurs du pays avec ceux d’autres pays afin de faciliter le partage de connaissances et des acquis de la recherche.

V. A l’attention des partenaires financiers et techniques

Ø Inciter les partenaires financiers et techniques à informer les chercheurs de l’ACCOS ou de l’ACASTI sur les voies et moyens de bénéficier de l’assistance de leurs pays dans le cadre de la coopération internationale ;

Ø Demander aux partenaires financiers et techniques le soutien de la mise en place du projet dénommé Centre pour l’Innovation et la Création d’Emplois (CICE, en sigle) en proposition par l’Académie Congolaise des Sciences, les universités de Lubumbashi et de Kinshasa en partenariat avec des universités et institutions étrangères. La vocation de ce Centre est de revitaliser le sens d’initiative et d’invention perdu ou très affaibli dans la société congolaise;

Ø Catalyser et soutenir la recherche et l’innovation qui répondent aux besoins de développement du pays dans tous les secteurs; créer et soutenir les emplois et entreprises construits essentiellement sur les résultats des recherches universitaires; et renforcer l’implantation de la 3ème révolution industrielle au pays tout en accroissant la compétitivité et l’efficacité de petites entreprises qui vivotent dans l’informel et en accélérant l’entrée dans la 4ème révolution industrielle

 

  1. Décision de Khartoum (EX.CL/Dec.254 (VIII)

2 https://repository.uneca.org/bitstream/handle/10855/24306/b11889202.pdf?sequence=1&isAllowed=y

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