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Premier colloque international sur la problématique de l’Eau en RDC tenu du 8 au 11 mai 2007 : Où se trouve la RDC ?

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Au moment où le monde célèbre la journée internationale de l’eau, le Papyrus profite de cette occasion pour rappeler qu’il s’est tenu du 8 au 11 mai 2007 le Premier colloque international sur la problématique de l’Eau en RDC. A lire, les recommandations de  ces assises, l’on se rend compte que le pays n’a pas avancé en cette matière. Voici le rapport général de ces assises afin que chacun se fasse une idée :

Rapport général

 A l’invitation du Ministre de l’Environnement, Conservation de la nature, Eaux et Forêts, et placé sous le haut patronage de son excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République, le Premier Colloque International sur la Problématique de l’eau a eu lieu, du 8 au 11 mai 2007, au Grand Hôtel Kinshasa.

Les participants ont examiné tous les aspects relatifs à la « Gestion durable de la ressource « eau » du Bassin du Fleuve Congo; Gestion intégrée, sciences, jeux et enjeux géostratégiques du 21ème siècle ».

Initié par l’Université de Kinshasa à travers la Faculté des Sciences en partenariat avec la REGIDESO, le Colloque a reçu l’appui principal du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), du Gouvernement de la République et du Musée Royal de l’Afrique Centrale (MRAC).

Les présentes assises ont connu la participation des experts et scientifiques internationaux et nationaux venus de Belgique; de France; du Sénégal; de l’Université de Lubumbashi; des ministères de l’Environnement, de l’Energie, de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, ainsi que de la Recherche Scientifique; des institutions tant nationales qu’internationales ayant dans leurs attributions les questions de l’eau.

Lors de la séance d’ouverture solennelle présidée par son Excellence le Ministre d’Etat en charge de l’Enseignement Supérieur et Universitaire représentant personnel de son excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, les participants ont eu à suivre les différentes allocutions du Recteur de l’Université de Kinshasa; du Président du Comité organisateur du Colloque; des représentants de son Excellence le Ministre de l’Environnement, de Monsieur le Représentant résident du PNUD et de son Excellence Monsieur l’Ambassadeur du Royaume de Belgique.

Chacun de ces messages a mis l’accent sur l’importance de l’eau, une denrée combien vitale mais très problématique. Nul ne peut oublier que la recherche des ressources a été, de toutes les époques et sous toutes les latitudes, une constante de l’histoire. En tant que l’une de ses ressources, l’eau n’a pas échappé à cette évidence. Les Professeurs Elikia Mbokolo et Banyaku Luape l’ont rappelé dans leurs conférences en plénière. L’eau, bien indispensable à la vie de l’homme, reste donc un enjeu potentiellement conflictuel.

L’intérêt de cette rencontre pour la République Démocratique du Congo et les pays riverains du Fleuve Congo est évident. Il est admis que l’eau constitue un facteur géopolitique et géostratégique. Il faut inéluctablement en déterminer les modalités du partage en toute responsabilité sans pour autant préjudicier les besoins toujours croissants des humains et ceux des générations futures.

Cet intérêt a été encore souligné dans le mot de son Excellence Monsieur le Ministre de l’Environnement. En effet, les améliorations à apporter à la gestion de l’eau demeurent une condition essentielle à la relance de l’économie, de la production de l’énergie hydroélectrique; à l’amélioration des conditions du transport fluvial et lacustre; au relèvement de la production agricole; à la lutte contre la dégradation des terres et la pollution des eaux, les maladies d’origine hydrique, la pauvreté.

L’Implication du PNUD dans le déroulement de ce Colloque repose sur la contribution à la recherche des solutions à la crise de l’eau et à l’approfondissement de la  réflexion sur les progrès à réaliser en RDC par rapport aux OMD.

Le message du Représentant de son Excellence Monsieur l’Ambassadeur du Royaume de Belgique a insisté sur les opportunités qu’offrent le fleuve Congo et ses affluents. La croissance économique sera impossible sans la remise en état rapide du réseau congolais de transport, notamment fluvial.

Il a particulièrement rappelé aux bons souvenirs des participants le risque considérable encouru par les réserves d’eau suite au développement des mégapoles et de l’industrie. Il faut donc se préoccuper de l’assainissement, de la lutte contre la pollution humaine et industrielle.

Etat des lieux

En Afrique, et particulièrement en République Démocratique du Congo, la ressource « eau » présente une situation contrastée. En effet, avec un bassin versant de 3,8 millions de Km², le Fleuve Congo et ses affluents représentent le plus important système hydrologique d’Afrique. Ce qui équivaut à 25% des ressources africaines en eau de surface renouvelables peu polluées.

A cheval sur l’équateur, le Fleuve Congo est partagé par un grand nombre de pays. En dehors de la RDC et du Congo, il y a l’Angola, le Cameroun, la RCA, la Zambie, la Tanzanie jusqu’au Lac Tanganyika, le Soudan, le Burundi et le Rwanda. Deuxième fleuve du monde en débit (une moyenne de 40.000m3/seconde)  après l’Amazone, il bénéficie aussi des 30% des eaux pluviales.

En dépit de cette abondance, l’Afrique constitue l’un des continents dont les pays demeurent gravement confrontés aux maladies hydriques, aux inondations, aux situations de sécheresse, à la désertification, à l’insalubrité, à la mégestion sectorielle des ressources en eau dont les effets conjugués sont préjudiciables à leur développement économique et social.

Parmi les pays affectés par ces problèmes et actuellement en déficit en eau figurent les neufs voisins de la RDC. Des demandes plus que pressantes de transfert d’eau du bassin du Fleuve Congo proviennent de ces territoires.

La RDC elle-même n’échappe pas à la pénurie d’eau et à la carence d’assainissement. Elle connaît des stress hydriques périodiques néfastes pour l’agriculture. A deux reprises au cours de deux dernières décades, les paysans du Bas-Congo, du Bandundu et du Katanga ont manqué de récolte à la suite d’un déficit pluviométrique très prononcé.

Le taux actuel de desserte en eau potable serait de 67% dans les zones urbaines contre seulement 17% dans les zones rurales. Selon le rapport du PNUD de 2006, 48% de la population congolaise sont privés de puits d’eau aménagés; 30% seulement disposent d’un dispositif d’assainissement amélioré.

Ces chiffres ne traduisent pas de façon concrète la réalité sur le terrain. A Kinshasa, par exemple, des quartiers entiers n’ont pour points d’approvisionnement en eau que des rivières et sources polluées. Entretemps, la prévalence des maladies diarrhéiques et du choléra se situe entre 15 et 30% dans le pays, avec une moyenne de 21% en ville et 23% en milieu rural.

Tenant compte des carences scientifiques et institutionnelles en matières de recherche et de gestion du secteur de l’eau, l’Université de Kinshasa a, du 31 janvier au 2 février 2006, organisé une première réflexion préparatoire sur la ressource en eau du bassin versant du Fleuve Congo. C’est au cours de cet atelier, financé par le PNUD, que la tenue du présent Colloque a été décidée. En même temps fut également créé le Centre International de  l’Eau de Kinshasa. (CIEK).

Objectifs du Colloque

Cinq objectifs ont été assignés aux présentes assises. Il s’agit de :

1° rassembler à Kinshasa, les compétences scientifiques multidisciplinaires, l’expertise politique, sociale et économique locale, sous régionale et internationale intéressée par la problématique du Bassin Versant du Fleuve Congo, pour un échange d’informations et d’expérience dans une perspective d’avenir;

2° susciter une réflexion générale sur le problème de l’eau en vue d’établir une première ébauche de l’état de la question;

3° sensibiliser suffisamment les participants pour justifier la création d’un réseau  sous-régional de travail sur le sujet;

4° publier une déclaration relative à la gestion intégrée de la ressource « eau » du Bassin Versant du Fleuve Congo;

5° réunir les bailleurs des fonds autour d’une table ronde.

Déroulement des travaux

Les travaux du Colloque se sont déroulés en deux phases. La première a été consacrée aux exposés en plénière. Les participants ont pu suivre la conférence du Professeur Elikia Mbokolo, de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales du Paris qui a planché sur « les enjeux historiques de l’eau du bassin du Congo ». Tout en situant l’eau dans ses différents aspects (atout primordial des sociétés congolaises, bien le plus précieux, support de civilisation, voie de pénétration et d’agression), le conférencier a esquissé les contours des hydro conflits potentiels qui guettent la RDC. Il a terminé par un plaidoyer sur une hydro politique responsable et audacieuse.

La deuxième conférence faite par le Professeur Banyaku Luape, de l’Université de Kinshasa, s’est intéressée à l’« Impact des macro politiques sur la gestion des conflits liés au partage de la ressource en eau ». D’une manière simpliste et illustrée, il a expliqué à l’assistance trois « points chauds » en rapport avec la problématique de l’eau en RDC. Il a d’abord épinglé l’embouchure du Fleuve Congo où l’espace demeure fortement réduit au profit de l’Angola. Il a ensuite signalé le lac Albert séparant l’Ouganda de la RDC, qui recèle une nappe pétrolifère dont l’exploitation poserait des problèmes. Il a enfin fait mention du lac Kivu avec son gaz méthane, qui mettrait le Rwanda et la RDC en compétition.

La troisième communication du Prof. Francis Rosillon, de l’Université de Liège, a été présentée par M. Detienne. Elle a porté sur « le contrat de rivière: un outil de gestion intégrée et participative à vocation universelle. Application en Région Wallonne de Belgique et au Burkina Faso ». L’orateur a fait une présentation de la méthodologie en s’appuyant sur deux cas concrets de contrat de rivière, le contrat Semois en Wallonie (Belgique) et le contrat Sourou (Burkina Faso). Ces cas ont permis d’illustrer les apports de ce type de système qui conduit à un programme opérationnel pour une meilleure gestion de l’eau.

Il a plaidé pour envisager l’application d’un tel modèle en RDC car, « dès l’instant où des hommes et des femmes sont prêts à se rassembler sous l’arbre à palabre pour partager leurs savoirs, leurs problèmes, leurs espoirs et leur motivation, à propos de la problématique de l’eau, un modèle africain de contrat de rivière peut devenir réalité » et s’appliquer à la gestion de lacs, de barrages, de périmètres irrigués ou des bas-fonds.

Dans la seconde phase, les participants au Colloque ont œuvré en ateliers consacrés :

1° Eaux de surface et souterraine et changements climatiques;

2° Eau; Erosion et Environnement;

3° Eau, Qualité et Santé;

4° Eau, Transport et Industrie;

5° Eau, Femme et Société;

6°Gestion Intégrée de la Ressource en Eau (GIRE).

Au total 52 communications ont été présentées. Le nombre aurait pu être élevé si d’autres n’étaient pas empêchés. Toutefois, la somme et la qualité des interventions témoignent de l’intérêt suscité par la problématique de la ressource « Eau ». La plupart avaient une portée nationale, d’autres étaient focalisées sur les questions particulières de la région de Kinshasa. Quelques-unes ont été consacrées non seulement aux aspects méthodologiques et aux expériences menées sous d’autres cieux.

L’assiduité et la régularité des participants ont donné lieu à des échanges fort intéressants et de niveau élevé. Il s’en est dégagé d’une part, le souci des participants à préserver la souveraineté du pays sur la ressource « Eau », le désir de la partager selon des normes préétablies… Les résultats de ces discussions et enrichissements ont été coulés en recommandations que nous présentons dans les lignes suivantes.

Recommandations

  1. L’exportation de l’eau du Bassin du Congo moyennant des études approfondies et préalables
  2. La mise sur pied d’une autorité nationale sur le Bassin du Congo
  3. La promotion d’une coopération pratique et du développement des synergies entre les différents utilisateurs de la ressource « Eau »
  4. La création d’un Commissariat Général à l’eau comme structure permanente dépendant de la Présidence de la République et du Gouvernement.
  5. La révision de la législation nationale concernant le droit de l’eau et le droit à l’eau
  6. La mise en place des accords internationaux sur les eaux partagées
  7. L’implication des pouvoirs locaux (municipalités, provinces) dans la gestion de l’eau
  8. La restructuration de la Regideso en vue de l’adapter à une gestion responsable et rationnelle de l’eau
  9. L’appropriation par l’Etat congolais du contrôle obligatoire de la qualité de l’eau distribuée par la Regideso.
  10. L’application des taxes pour réduire le coût de l’eau;
  11. La recherche des voies et moyens pour la production en RDC des intrants à partir des ressources minérales locales. L’Etat doit favoriser cette politique en incitant et en aidant les industriels de se lancer dans ce secteur.
  12. L’accélération de la procédure relative à la réforme de l’eau et à l’élaboration du Code de l’eau.
  13. La sensibilisation de la population sur les risques liés à l’utilisation de l’eau de pluie, de surface et à l’usage domestique des eaux souterraines.
  14. La mise en place des mesures afin d’empêcher la déforestation conduisant à la dégradation du bilan hydrique.
  15. L’interdiction de toute construction le long des cours d’eau en vue de protéger les sites de captage.
  16. L’obligation de faire de la ressource « Eau » un droit de l’homme.
  17. La création d’un laboratoire de constructions hydrauliques à la Faculté Polytechnique de l’Université de Kinshasa.
  18. L’utilisation des méthodes appropriées d’analyse et de traitement par l’approche beyesienne pour le conditionnement des boues.
  19. La collaboration active et dynamique entre les universités, le ministère des Mines et les entreprises sous-tutelle.
  20. Le soutien de tous les services privés et publics, ainsi que les ONG œuvrant dans la gestion participative des eaux en RDC.
  21. L’évaluation obligatoire de l’impact environnemental et social de tout projet du secteur de l’eau en RDC.
  22. L’application d’une approche de la Gestion Intégrée des ressources en eau inspirée du modèle de contrat rivière appliquée notamment en Région Wallonne en Belgique.

Telle est l’économie des échanges et discussions réalisées par les participants au Premier Colloque International sur la problématique de l’eau en République Démocratique du Congo

 

 

1 thought on “Premier colloque international sur la problématique de l’Eau en RDC tenu du 8 au 11 mai 2007 : Où se trouve la RDC ?

  1. Bonjour,

    Je viens de lire votre posting portant sur le 1e Colloque International de l’eau en RDC qui a eu lieu du 8 au 11mai 2007. Les recommandations de ce colloque méritent un suivi.
    Durant la même année Eau-Afrique avait aussi organisé sa 1e Conférence Internationale au Canada.
    Eau-Afrique est intéressé de collaborer à l’organisation du 2e colloque, cette année au mois d’août ou septembre 2023 pour faire de le suivi des recommandations du 1e colloque qui sont très pertinentes et surtout vitale pour le développement socio-économique de la RD Congo.

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