Notre Constitution, révision et son article 217
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Depuis un certain temps, les Congolais assistent à une levée de bouclier entre les acteurs politiques. Le sujet qui tient la chandelle, c’est le changement ou la révision de la Constitution. Le Président de la République en fait son affaire comme Tout congolais qui a droit d’y réfléchir et d’y émettre un avis. Il l’a dit à Kisangani et il est revenu sur ce point dans son discours de Lubumbashi jusqu’à affirmer que : « Personne ne peut lui interdire de réviser la Constitution ». Sur ce point, sa position de garant ne fait pas de lui le Saint-Père. Garant veut dire celui qui répond ou qui porte de la responsabilité de sa bonne application et donc, qui le fait respecter.
Cette Loi fondamentale commence par un préambule qui stipule par :
« Nous, Peuple congolais, Uni par le destin et par l’histoire autour de nobles idéaux de liberté, de fraternité, de solidarité, de justice, de paix et de travail ;
Animé par notre volonté commune de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle ;
Considérant que l’injustice avec ses corollaires, l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme, par leurs multiples vicissitudes, sont à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays;
Affirmant notre détermination à sauvegarder et à consolider l’indépendance et l’unité
nationales dans le respect de nos diversités et de nos particularités positives, … ».
Le Président de la République l’est devenu parce que les électeurs congolais l’ont élu et ont fait de lui le garant de la Constitution, à moins que les défenseurs de la vérité des urnes aient raison. En plus, lorsqu’il parle de « Constitution des étrangers », cette parole est une contre-vérité. Les experts congolais qui ont participé à son élaboration sont encore vivants pour la plupart. C’est à l’Article 68 que le Président de la République est mentionné pendant les autres articles précédents mentionnent la nation et ses électeurs. L’article dit : « Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ». A l’article 70 de cette même Constitution et suites, le peuple lui donne un mandat précis et lui fixe les limites de son pouvoir. L’exercice de son mandat est défini par cette même loi par excellence.
En son Article 5, la Constitution renseigne que « la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum. Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente Constitution, sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques. »
L’initiative de la révision constitutionnelle, selon Article 218, appartient concurremment au Président de la République, au Gouvernement après délibération en Conseil des ministres, à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres et à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres.
Selon cet article : « Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien-fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision. La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum sur convocation du Président de la République. Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum
lorsque l’Assemblée Nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquième des membres les composant ».
L’Article 219 ajoute que : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la présidence de la République ni lorsque
l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement ».
« Je considère que c’est une injure à l’endroit de l’élite congolaise de nous interdire de réfléchir sur notre Constitution ». A mon humble avis, Monsieur TSHISEKEDI n’a pas raison en disant ceci car pendant qu’il était dans l’opposition, nous avons manifesté à plusieurs reprises contre l’initiative de révision de Joseph KABILA KABANGE. Et il y a eu même des morts d’hommes dont on tait les noms par respect à leurs mémoires. Au regard de ces articles, Monsieur le Président de République est bel et bien dans ses prérogatives mais il doit savoir qu’il ne doit pas offrir une brèche à l’opposition. Il ne doit, à aucun, interdire aux autres congolais de le contredire. Considérant ce que nous avons vécu pendant ses marches, c’est également une injure à tout congolais ayant en son temps adhéré à sa démarche passée et aux morts tombées lors des marches organisées par les anti-révisions constitutionnelles dont il a fait partie, il y a quelques années.
Son Excellence Monsieur TSHISEKEDI a évoqué, à Lubumbashi, l’article 217 comme étant une épine dans la Présente Constitution. Que dit cette disposition de la Constitution de la République Démocratique du Congo? Cet article stipule: « La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine ».
A y réfléchir, plusieurs questions pleuvent à ce sujet : Y-a-il quelque chose de mauvais dans cet article ? Quels sont les avantages et les dangers ou quel est l’aspect positif et négatif ? Y-a-t-il cette disposition dans d’autres constitutions des pays africains et/ou du monde? Les experts qui ont insérés cette disposition de l’article 217 dans notre Constitution avaient-ils tort? Autrement, avaient-ils raison?
La première réponse vient du préambule qui met en exergue la vision de coopération en ces termes : « Mû par la volonté de voir tous les Etats Africains s’unir et travailler de concert en vue de promouvoir et de consolider l’unité africaine à travers les organisations continentales, régionales ou sous-régionales pour offrir de meilleurs perspectives de développement et de progrès socio-économique aux Peuples d’Afrique ; Attaché à la promotion d’une coopération internationale mutuellement avantageuse et au rapprochement des peuples du monde, dans le respect de leurs identités respectives et des principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat ;
En second lieu, pour évaluer, au regard de ce qui précède, si les experts ayant conçu cette disposition avaient raison ou non, il est nécessaire de considérer le contexte, les objectifs visés, et les résultats attendus. D’une part, ils avaient raison. L’article 217 est un outil qui, utilisé à bon escient, peut positionner la RDC comme un acteur majeur de l’unité africaine et offrir des solutions aux défis globaux nécessitant une action collective. D’autre part, selon ce que disent certains congolais, ils avaient tort. Cependant, si seulement si cette disposition est appliquée sans discernement, sans garanties institutionnelles solides, ou dans un contexte de déséquilibre des forces entre partenaires, elle pourrait fragiliser la souveraineté et les intérêts de la RDC.
Toutefois, hormis les aspects avantageux de cet article, nous allons décortiquer ce passage pour avoir la troisième réponse en termes d’avis divergents, soit qu’on est dans un camp ou dans un autre. Voici donc une analyse des **aspects positifs et négatifs** de cette disposition ainsi que des comparaisons avec d’autres pays.
# AVANTAGES (ASPECTS POSITIFS)
1. Promotion de l’intégration régionale et africaine :
– Cet article favorise l’unité continentale, alignée avec les objectifs de l’Organisation de l’Union africaine (UA) et les initiatives telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA).
– Il facilite la coopération économique, sécuritaire et politique.
– Cet article reflète une ambition légitime d’unité africaine, inspirée par des figures historiques comme Kwame Nkrumah et Julius Nyerere, qui ont prôné l’intégration comme solution aux problèmes de développement et de souveraineté limités des États africains.
2. Renforcement des capacités collectives :
– La mutualisation des ressources, des expertises et des efforts peut renforcer les capacités des États africains face aux défis communs (changement climatique, gestion des ressources collectives, sécurité, commerce, transport, etc.).
3. Rehaussement de l’influence africaine :
– Une unité renforcée pourrait positionner l’Afrique comme une puissance mondiale plus influente.
4. Encadrement des abandons de souveraineté :
– Le caractère partiel de l’abandon assure que la RDC conserve une grande partie de son autonomie, limitant les risques d’exploitation, c’est-à-dire qu’elle peut, quand elle le veut, renoncer à ces traités et accords lorsque nos intérêts sont menacés.
Renforcement de la RDC sur la scène régionale :
La RDC, par sa position géographique et ses ressources naturelles, peut jouer un rôle clé dans l’intégration africaine. La disposition permet au pays de se positionner en leader des initiatives continentales. Ses potentialités peuvent lui servir d’atouts pour initier son développement harmonieux si seulement nous en prenons conscience et nous les mettons en œuvre.
Réponse aux défis transnationaux :
Des problèmes comme le développement économique, la gestion des potentialités transfrontalières, des échanges entre Etats, le changement climatique, les conflits armés transfrontaliers et les flux migratoires ne peuvent être résolus que par des efforts collectifs. Un cadre permettant des abandons partiels de souveraineté facilite cette coopération entre les nations.
Harmonisation avec les objectifs internationaux :
L’article s’inscrit dans une dynamique globale où les États collaborent au sein d’organisations comme l’Union africaine (UA), SADC, COMESA, CEEAC, les Nations Unies, et d’autres alliances. Il évite l’isolation de la RDC sur la scène internationale.
# DANGERS (ASPECTS NEGATIFS)
1. Perte d’autonomie nationale :
– L’abandon de souveraineté, même partiel, peut réduire le contrôle de la RDC sur certaines décisions stratégiques.
– Cela pourrait créer une dépendance excessive vis-à-vis d’organismes régionaux.
2. Risque d’inégalités dans les relations interétatiques :
– Si les partenaires des accords et traités ne respectent pas les principes d’égalité inter-Etats, les intérêts de la RDC pourraient être marginalisés.
3. Faiblesses institutionnelles :
– Les institutions africaines actuelles sont parfois faibles ou inefficaces. Cela peut compliquer la mise en œuvre de ces accords ou en diminuer les bénéfices.
4. Instrumentalisation par des puissances étrangères :
– Certains États ou entités internationales pourraient exploiter les failles des accords pour influencer la RDC au détriment de ses intérêts.
– Certains accords d’association pourraient ouvrir la porte à des influences extérieures (exemple : domination économique par des puissances étrangères à travers l’Union africaine ou des organisations régionales).
5. Absence de préparation interne:
– Si la RDC n’est pas bien préparée en termes de gouvernance, d’institutions et de politiques publiques, elle pourrait ne pas tirer profit de tels accords.
6. Manque de consensus national :
– Une disposition constitutionnelle aussi importante aurait pu faire l’objet d’un débat national plus large. Si les citoyens ne comprennent pas ses implications, cela peut entraîner une méfiance envers l’État.
# DISPOSITIONS SIMILAIRES DANS D’AUTRES CONSTITUTIONS AFRICAINES OU MONDIALES
1. Afrique du Sud :
L’Afrique du Sud est très favorable à l’intégration régionale. Bien que sa Constitution ne mentionne pas spécifiquement un abandon de souveraineté, elle engage fortement le pays dans des accords régionaux à travers la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC).
2. Ghana :
L’article 40 de la Constitution ghanéenne encourage activement la coopération et l’intégration africaine.
3. Union Européenne (UE) :
– Les pays de l’UE ont cédé une part de leur souveraineté à travers des traités (ex. Traité de Lisbonne, Schengen).
– L’Allemagne, par exemple, a intégré dans sa Loi fondamentale (article 24), la possibilité de déléguer certaines compétences pour la coopération internationale.
4. Kenya :
La Constitution kényane (2010) stipule que le pays doit respecter ses obligations dans les traités internationaux et régionaux, favorisant l’intégration dans la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).
# COMPARAISON : AFRIQUE VS MONDE
– Afrique : Toutes les constitutions africaines mentionnent souvent la coopération africaine, régionale et sous-régionale, mais des clauses explicites d’abandon de souveraineté comme en RDC sont rares.
– Monde : Les modèles type de délégation de souveraineté sont plus développés, notamment en Europe, avec des institutions supranationales fortes comme Union Européenne.
CONCLUSION
Les accusations et les déclarations imputant les opposants d’être au service de l’étranger portent atteintes aux principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l’homme en RDC, tendent à diaboliser l’opposition et d’étouffer le débat démocratique, un des droits garantis par la Constitution et nuisent la cohésion nationale dont il porte la lourde responsabilité.
L’article 217 est une disposition ambitieuse qui reflète une volonté d’unité africaine tout en posant des défis à la souveraineté. La mise en œuvre pratique dépendra des mécanismes institutionnels et des partenaires engagés. Comparativement, ce type de disposition existe dans d’autres pays, mais sa portée et son application varient selon le contexte régional et international.
L’insertion de cet article 217 dans la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) n’est ni un tort ni une vérité absolue, mais un choix stratégique dicté par une vision politique panafricaine.
En fin de compte, le bien-fondé de cet article dépend non seulement de son contenu, mais de la manière dont il est mis en œuvre. Les intentions derrière cette disposition semblent nobles, mais sa réussite nécessite une vigilance accrue pour éviter les dérives. L’article 217 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) autorisant des abandons partiels de souveraineté pour promouvoir l’unité africaine est significatif. Il reflète une vision panafricaine et ouvre la voie à des intégrations régionales, sous-régionales et continentales.
Jean Pierre Matondo (Correspondance particulière)