Le transfert de l’eau de l’Oubangui vers le lac Tchad : impact économique et socio-environnemental
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Contexte
Tout le monde reconnaît que l’eau est le premier support de la vie. En effet, aucune vie n’est possible sans ce liquide naturel indispensable. Malheureusement, les ressources hydriques évaluées à plus ou moins 1 400 millions de km3 sont inégalement réparties à la surface de la terre. On a ainsi des régions ou pays arrosés, des pays en difficulté d’eau et des pays en pénurie d’eau. La RD Congo est heureusement un pays arrosé bien que sa population manque encore de l’eau potable dans sa grande majorité (plus de 70%). En outre, l’eau bien qu’abondante en apparence, demeure une ressource très limitée qualitativement et quantitativement car seuls 2,5% de la masse d’eau sur la terre constituent de l’eau douce dont notre existence a besoin ; les 97,5% étant salés.
Malheureusement, la plus grande partie de ces 2,5% reste bloquée dans la glace, dans le sol (eaux souterraines), dans l’atmosphère (humidité) et dans les êtres vivants (eau cellulaire) et finalement une infime partie constitue nos eaux douces de surface dont dépend notre vie de chaque jour.
Impact économique et socio-environnemental
L’eau est une ressource hautement stratégique et donc conflictuelle. Rappelons qu’aucun développement, soit-il durable, n’est possible sans l’eau puisque la quasi-totalité d’industries ont besoin d’eau pour leur fonctionnement. Aux fonctions naturelles de l’eau (habitat des espèces, régulatrice des climats, stabilisatrice de chaleur, transport cellulaire, métabolite cellulaire, solvant universel, etc.), l’eau a des fonctions économiques (industries, agriculture, écotourisme, etc.). Ainsi manquer de l’eau, c’est manquer de vie et compromettre le développement sociétal.
Le lac Tchad qui a perdu les 3/5 de ses eaux en quelques décennies pour surpâturage et l’eutrophisation entre autres, a raison de demander de l’eau au bassin du Congo. C’est légitime. Cependant, la RDC qui dispose de ces eaux abondantes peut bien donner ces eaux aux frères tchadiens à condition que des études scientifiques et techniques déterminent les lieux et les quantités à prélever en minimisant la facture écologique subséquente. Comme je l’avais écrit dans la revue DOUNIA en 2010 et repris dans une conférence scientifique à l’Université de Liège la même année, l’endroit de prélèvement approprié reste l’embouchure du fleuve Congo sous certaines conditions de manière à éviter la montée d’eaux salées vers le fleuve si les équilibres entre les prélèvements et l’océan Atlantique sont rompus (principe de vases communicants).
Dans tout le cas de figure, le prélèvement à partir de la rivière Oubangui doit être proscrit. En effet, des millions de m3 d’eau soutirés d’une rivière à grande période d’étiage constituent la mort des habitats sensibles pour les zones de pêche, la baisse du débit du fleuve Congo et le risque de réduction sensible du niveau d’eau à Inga ; ce qui causerait des perturbations dans les fournitures en électricité, la raison objective qui accentuerait les délestages à Kinshasa, certaines turbines étant à sec. Ceci peut également accentuer la pauvreté en aval du point de prélèvement. N’oublions pas que la rivière Oubangui a souvent un sérieux problème de diminution de débit en périodes sèches ; ce qui empêche le trafic fluvial des bateaux. En 2005, la cité de Libenge (Sud-Ubangi) s’est retrouvée avec plus de 4000 tonnes de maïs qu’elle ne pouvait pas vendre ni à Bangui, ni à Kinshasa, faute de trafic fluvial à cause de la forte sécheresse et donc la baisse drastique du débit (étiage).
Conclusion
De ce qui précède, retenons qu’il n’est pas interdit de procéder aux transferts hydriques interbassins, mais cela devra impérativement passer par des études scientifiques non complaisantes afin de prévenir des impacts fâcheux qui détruiraient l’économie, l’écologie et le social des communautés riveraines. C’est ici l’occasion de rappeler que la RDC aurait beaucoup à gagner si elle disposait d’informations stratégiques sur chacune de ses ressources naturelles. Celles-ci renseigneraient sur la quantité, la qualité, la localisation et le plan d’exploitation en vue du développement national. Malheureusement, ce sont les autres qui nous rappellent l’importance de telle ou telle ressources dans la réalisation des Objectifs du Développement Durable (ODD). Notre gouvernance du ventre ne se contente que de la cueillette sans se soucier des investissements. On comprend pourquoi la planification est absente, et donc pas de modèle prévisionnel.
Enfin, rappelons que le petit royaume du Lesotho enclavé dans l’Afrique du Sud tire l’essentiel de son revenu des eaux brutes exportées vers l’Afrique du Sud (Transvaal). La RDC pourrait elle aussi tirer avantage de ce transfert vers le lac Tchad à condition de bien s’y prendre. Refuser de l’eau au Lac Tchad peut générer la guerre de l’eau, mais il faut au préalable des études.
Le débat reste ouvert.
Kinshasa, le 16 novembre 2017
Par Dieudonné Musibono Eyul’Anki, M.Sc., Ph.D. (Professeur ordinaire UNIKIN & UNIKIK, Facultés des Sciences (UNIKIN) et Sciences Agronomiques (UNIKIK)- Environnementaliste – Ecotoxicologue – Limnologue, Expert Spécialiste en Gestion intégrée des ressources naturelles et développement durable. Email : musion.ergs@gmail.com) Source: www.eadev-agro-congo.com