Le technicien vétérinaire Matondo répond à la question : « Comment un vaccin est-il mis sur le marché? »
9 min readLa question des effets secondaires dus aux différents vaccins contre la Covid-19 domine le monde par le temps qui court. Pour répondre à cette préoccupation le Papyrus a posé la question de savoir comment un vaccin est mis sur le marché. Le technicien de laboratoire Matondo-Lusala Jean Pierre, Président de l’association des techniciens vétérinaires du Congo, a répondu à cette préoccupation : Voici ce qu’il nous a dit à ce sujet :
Les vaccins sauvent deux à trois millions de vies chaque année. La vaccination est le moyen le plus efficace pour nous protéger et protéger nos communautés. Cependant, les vaccins peuvent susciter beaucoup d’anxiété. Certaines des questions sont les plus fréquemment posées sur ces merveilles médicales. Les vaccins sont des produits généralement administrés à l’homme et aux animaux afin de les protéger de maladies graves et souvent mortelles. Les vaccins stimulent nos défenses naturelles et préparent le corps à lutter plus rapidement et plus efficacement contre les maladies.
Les vaccins sont très sûrs puisque tous les vaccins sont soumis à des tests rigoureux, notamment des essais cliniques, avant d’être homologués. Ainsi, les pays n’autorisent et ne mettent sur le marché que des vaccins qui satisfont à des normes de qualité et de sécurité rigoureuses.
La mise sur le marché d’un vaccin n’est une affaire de l’OMS seule, même au niveau du système des Nations unies. Les fabricants ne travaillent pas de manière isolée. Ceux-ci font des contrôles à chaque étape de fabrication mais ces contrôles de qualité ne suffisent pas. Plusieurs organismes, laboratoires, structures et administrations (UE, France, Belgique, USA, Asie, Afrique, etc.) interviennent dessus et c’est le travail des experts scientifiques en microbiologie, en épidémiologie, en immunologie, en médecine interne, etc. Avant d’être mis sur le marché, un vaccin est testé en laboratoire et via des modèles informatiques. Il sera ensuite testé sur des animaux dont le système immunitaire est proche de celui des humains, afin de déterminer que le vaccin n’a pas d’effets indésirables graves. S’en suivent des tests cliniques en trois phases sur des humains (adultes d’abord et enfants après). Il y a plusieurs niveaux de surveillance, un niveau belge (AFMPS), un niveau européen (EMA), en Haute autorité de santé de France (HAS), l’Agence de sécurité sanitaire britannique (UKHSA), Food and Drug Administration, l’agence américaine des denrées alimentaires et des médicaments aux États-Unis (FDA), l’Agence américaine Centers for Disease Controle and Prevention (CDC) et un niveau mondial (OMS, …). Les chercheurs vérifient des aspects comme le pouvoir immunogène du vaccin en fonction des doses administrées, le schéma de vaccination à observer, la tolérance des personnes vaccinées avec la formulation finale, les éventuels effets indésirables ou encore l’interaction avec d’autres vaccins.
Une fois toutes ces étapes passées et les autorisations obtenues de la part des autorités scientifiques et économiques, le vaccin est mis sur le marché. L’OMS est donc le porte-voix de toute la crème scientifique en la matière.
Après la mise sur le marché, une 4ème phase de pharmacovigilance est mise en place de manière permanente. Les experts vérifient des aspects comme le pouvoir immunogène du vaccin en fonction des doses administrées, la tolérance des personnes vaccinées avec la formulation finale, les éventuels effets indésirables ou encore l’interaction avec d’autres vaccins.
Quelles sont les différentes étapes ?
Avant de recevoir le feu vert pour être mis à la disposition du public, un vaccin est soumis à une procédure d’essais cliniques longue et rigoureuse. Lors de ces essais, on vérifie que le vaccin assure la protection espérée et qu’il ne provoque pas d’effets indésirables majeurs.
Conçu sur des bases scientifiques (analyse du microbe, expériences avec d’autres vaccins, modèles informatiques), le vaccin en développement est, dans un premier temps, expérimenté lors de tests et d’évaluations afin de constater s’il produit une réponse immunitaire. C’est la phase préclinique.
Le vaccin est d’abord testé sur des cellules isolées (études in vitro en laboratoire) puis dans un second temps, chez l’animal, dans le but de déterminer son mode d’action et sa toxicité. Ces essais précliniques sont généralement réalisés sur des souris, puis sur des singes. Ils servent à éviter d’administrer à des humains des vaccins inefficaces ou qui ne seraient pas suffisamment sûrs.
Dans un deuxième temps, si à l’issue de cette phase préclinique, la balance bénéfices-risques du vaccin penche en faveur des bénéfices, des essais cliniques peuvent alors être effectués chez l’être humain. Le vaccin est alors testé chez l’humain dans des essais cliniques en 3 phases.
- Lors de la Phase I, le vaccin est administré à quelques dizaines de volontaires (des jeunes adultes en bonne santé). Cette phase a pour but d’observer les éventuels effets indésirables très fréquents, et permet aussi de déterminer le bon dosage des composantes du vaccin en mesurant les anticorps produits par les volontaires.
- Lors de la Phase II, qui inclut plusieurs centaines ou milliers de volontaires, on évalue de manière approfondie la sécurité du vaccin et sa capacité à créer une réponse immunitaire. Les volontaires sont suivis pendant plusieurs mois. Cette étape permet d’étudier les détails de la réponse immunitaire, de préciser les schémas d’administration (nombre de doses, etc.), et d’identifier les effets secondaires fréquents.
- Lors de la Phase III, le vaccin ou un produit comparatif (ou placebo) est administré à des milliers voire dizaines de milliers de volontaires. Cette phase a pour but de savoir si le vaccin protège contre la maladie. Il s’agit donc d’observer dans quelle mesure les personnes vaccinées ou qui ont reçu le produit comparatif qui sont exposées au microbe résistent à la maladie dans les semaines/mois après la vaccination. La plupart du temps, les essais de phase III sont réalisés dans plusieurs pays et sur plusieurs sites dans un même pays afin de garantir que les résultats des performances du vaccin s’appliquent à plusieurs populations différentes. Ces essais à large échelle sont les seuls capables de détecter les effets indésirables rares.
Au cours des phases 3 des essais, les volontaires et les scientifiques qui mènent l’étude ignorent quels sont les volontaires qui ont reçu le vaccin testé ou le produit comparatif. Cette méthode dite « en aveugle » est nécessaire pour garantir que ni les volontaires ni les scientifiques ne soient influencés dans leur évaluation quant à l’innocuité ou l’efficacité du fait de leur connaissance de l’identité des personnes ayant reçu le produit. Une fois l’essai conclu et tous les résultats finalisés, les volontaires et les scientifiques ayant participé à l’essai sont informés des personnes qui ont reçu le vaccin et de celles qui ont reçu le produit comparatif.
Une fois que le vaccin est jugé efficace et sûr, les autorités sanitaires accordent à son producteur une « autorisation de mise sur le marché » (AMM).
Une Phase IV est alors réalisée après la commercialisation du vaccin. En effet, il existe des systèmes permettant de surveiller la sécurité et l’efficacité de tous les vaccins. Les données récoltées sont utilisées pour ajuster les politiques d’utilisation des vaccins afin d’optimiser leur impact. Elles permettent également de suivre le vaccin en toute sécurité tout au long de son utilisation. Il s’agit ainsi de vérifier si des effets indésirables très rares, mais graves, surviennent chez les millions de personnes vaccinées.
Les autorités inspectent régulièrement les installations et les procédés de fabrication des vaccins. Ceux-ci sont produits par lots. Les producteurs doivent pouvoir tester chaque lot pour s’assurer que chaque dose de vaccin délivrée présente la même qualité. Plusieurs organes de contrôle accrédités effectuent aussi des contrôles sérieux et rigoureux. Les lots sont identifiés précisément, pour faciliter leur traçabilité.1
On exige des vaccins des standards de qualité pharmaceutique, d’efficacité, de sécurité excessivement stricts, d’autant que le grand public s’inquiète énormément de leurs possibles inconvénients. Ce sont les autorités sanitaires nationales et internationales qui sont responsables de vérifier que les vaccins respectent ces critères.
Pour l’Europe par exemple, Sciensano fait partie du Réseau européen de laboratoires officiels de contrôle des médicaments (OMCL). La Direction européenne de la qualité des médicaments et des soins de santé coordonne ce réseau, qui teste tous les lots de vaccins destinés à l’Europe. Les tests indépendants de chaque lot de vaccins garantissent leur qualité et leur conformité aux spécifications du produit. Le service Qualité des vaccins et des produits sanguins de Sciensano assure un contrôle de qualité indépendant des lots de vaccins avant leur commercialisation en Belgique et en Europe. Ce contrôle indépendant est effectué après les contrôles réalisés par les firmes pharmaceutiques. Lorsqu’un lot de vaccins est testé par l’un des laboratoires du réseau, le certificat délivré est reconnu par tous les pays de l’Union Européenne. Les lots de vaccins distribués par les fabricants en Belgique sont donc testés et approuvés soit par Sciensano, soit par un autre laboratoire du réseau européen.
L’autorisation de mise sur le marché
A la clôture des essais cliniques, le fabricant d’un vaccin doit demander une « autorisation de mise sur le marché » (AMM) auprès d’une instance nationale ou internationale (européenne). Cette instance se prononce sur la balance bénéfice-risque du produit. On compare le risque d’effets indésirables associé à un vaccin et les bénéfices attendus pour la santé des personnes vaccinées.
- Au niveau de l’Union européenne, l’organe compétent est l’Agence européenne des médicaments (EMA). L’autorisation qu’elle délivre est valable dans toute l’Union européenne.
- Au niveau de la Belgique, la décision est du ressort de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). Elle possède un organe scientifique qui examine les demandes d’autorisation : la Commission pour les médicaments à usage humain. L’autorisation n’est valable qu’en Belgique.
- Au niveau d’un autre pays européen : il existe des procédures dites décentralisées ou de reconnaissance mutuelle. Un Etat membre de référence rend une évaluation favorable à une demande d’autorisation, cet avis positif est « reconnu » par les autres pays.
- Plusieurs pays ont aussi des organes octroyant les autorisations de mise sur le marché.
CONCLUSION
En conclusion, Pour sa mise sur le marché, un vaccin doit obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) par les autorités de régulation responsables de la sécurité des produits pharmaceutiques. Le fabricant doit présenter un dossier complet aux autorités de régulation : l’EMA (Agence du médicament européenne) en Europe, la FDA aux USA, Swissmedic en Suisse et l’OMS pour le monde entier. Le fabricant doit aussi montrer qu’il est capable de produire le vaccin en toute sécurité et à grande échelle.
Pour qu’un vaccin puisse être produit en masse, les laboratoires qui développent des vaccins doivent souvent s’associer à une ou plusieurs grandes entreprises pharmaceutiques spécialisées qui disposent des moyens techniques nécessaires.
Avant qu’un lot du vaccin soit mis sur le marché, le fabricant doit le soumettre pour approbation à l’autorité de régulation qui contrôle sa qualité, sa sécurité et son action sur le système immunitaire. Ainsi les autorités de régulation sont non seulement responsables d’analyser la sécurité des vaccins, mais aussi d’autoriser leur mise sur le marché. En Europe, l’EMA (Agence du médicament européenne) donne son avis et c’est la Commission européenne qui accorde l’AMM.
Les recommandations vaccinales (dans quels cas le vaccin est recommandé, à quelle personnes, sous quel conditionnement, combien de doses et à quelle fréquence) sont du ressort des autorités de santé chargées des recommandations vaccinales (en France : l’ANSM, la HAS et le HCSP, au Royaume-Uni : Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA) et Joint Committee on Vaccination and Immunisation (JCVI), en Suisse : la Commission fédérale pour les vaccinations et l’OFSP – Office fédéral de la santé publique). Aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral a recommandé que les États autorisent, càd chaque État choisit ses propres recommandations vaccinales.
A voir :
- org
- org
- Vaccination info service.fr
- Cihr-irsc.gc.ca
Matondo-Lusala Jean Pierre