Le Professeur Lumpungu explique le vocable « Bio » en pratique agricole
5 min readDe plus en plus, le mot « Bio » est utilisé comme préfixe en association avec d’autres mots dans le domaine des pratiques agricoles au point qu’il est parfois difficile de comprendre le message véhiculé. A titre d’exemple, le praticien A dit avoir enfoui, dans son champ, la biomasse pour besoin de fertilisation, alors que le praticien B, avec le même produit, dit avoir enfoui l’engrais biologique ou parfois un bio-engrais. Qu’en est-il ? Car, la confusion qui finit par s’installer ne permet plus à tous d’avoir le même entendement des vocables utilisés. Pour mieux cerner ce concept dans la pratique agricole, le Papyrus a approché le Professeur émérite Christophe Lumpungu Kabamba qui nous livre ci-dessous ses explications :
Je considère qu’il y a lieu de distinguer deux sphères, celle des praticiens du terrain et celle des scientifiques où tout concept est clairement défini pour permettre à ceux qui échangent des idées de parler le même langage et éviter le plus possible la confusion des termes et des mots utilisés. C’est une exigence, ici, pour permettre la vérification, la comparaison des résultats obtenus sur deux ou plusieurs sites et la réplication d’un essai sur un ou plusieurs sites, notamment. Par exemple lorsqu’on dit qu’on a utilisé 50kg de NPK sans spécifier la teneur en ces éléments, il est difficile à un autre chercheur de répliquer l’expérimentation, tout simplement parce qu’il y a plusieurs types de NPK (17-17-17 ; 15-15-15 ; …). Maintenant, pour revenir à votre souci, j’aimerais insister sur la définition des mots et concepts utilisés qui devrait être la même pour tous, ce qui est souhaitable.
Concernant le préfixe « Bio », à la mode, il signifie vie. Donc concerne ce qui vit ou le vivant, ou en relation avec le vivant. Mais dans tous les cas, la définition devrait être la même pour tous.
Ainsi, par exemple, lorsqu’on parle de la biomasse d’une forêt. Il s’agit de l’ensemble des organismes vivants se trouvant dans cette forêt, notamment les plantes, les animaux et tous les autres organismes vivants qui s’y trouvent (insectes, oiseaux,…).
Si, dans cette forêt, une espèce végétale m’intéresse. J’en prélève quelques branches pour produire un compost pour mon champ. Ces branches coupées, entrain de sécher, cessent d’être une « biomasse ». C’est tout simplement de la matière organique, dans ce cas-ci d’origine végétale.
Il est donc nécessaire de définir quelques mots et concepts, couramment utilisés dans la pratique de fertilisation de sols en agriculture.
- DEFINITION DES MOTS ET CONCEPTS
2.1. Fertilisation
C’est une action conjuguée d’appliquer des produits ou substances au sol dans le but de le rendre plus apte à produire au meilleur de son potentiel. Cette action concerne l’amélioration des propriétés ou conditions physiques, chimiques et biologiques du sol en les rendant compatibles avec les exigences de la culture.
2.1.1. Fertilisant
Tout produit capable d’améliorer l’une ou l’autre propriété du sol. On en distingue de deux types, les amendements et les engrais.
2.1.1.1. Amendements
Leur but est d’améliorer, selon les exigences de la culture, les conditions physico-chimiques et biologiques du sol.
2.1.1.2. Engrais
Leur but est de nourrir la plante, lui apporter l’un ou l’autre éléments minéraux indispensables pour son métabolisme normal. En dehors de l’oxygène, l’hydrogène et le carbone, ce sont l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K), le calcium (Ca), le magnésium (Mg), le soufre (S), le fer (Fe), le zinc ( (Zn), le manganèse (Mn), le cuivre (Cu), le bore (B) et le molybdène (Mo).
Comme on peut le remarquer tous ces éléments sont aussi indispensables à l’homme et l’animal qui ne peuvent y accéder normalement qu’en mangeant les produits végétaux, soit directement, soit indirectement.
Les engrais sont de trois types, les minéraux ou chimiques, les organiques et les biologiques.
2.1.1.2.1. Engrais minéraux ou chimiques
Ce sont des produits de la nature pouvant être utilisés à l’état brut après un certain conditionnement (broyage, grillage,…) ou après un traitement industriel. Dans ce dernier cas, le produit est homogène (calibre) avec une teneur en élément (s) constante et plus facilement maniable, notamment. L’inconvénient est qu’ils peuvent contenir des éléments toxiques pour les consommateurs dans la chaine alimentaire. Un contrôle chimique est nécessaire. Leur composition chimique peut aussi varier selon le site en fonction des conditions de leur formation.
2.1.1.2.2. Engrais organiques
Ils proviennent de deux sources, animale et végétale.
- Engrais organique d’origine animale
Ce sont, généralement, les déjections solides et/ou liquides des animaux et tout autre déchet d’origine animale (poissonnerie, abattoir,…). Ils sont, généralement, riches en éléments minéraux, particulièrement en azote (N).
- Engrais organique d’origine végétale
Ils proviennent des produits végétaux de toute nature. Leur teneur en minéraux peut, largement, fluctuer en fonction de l’espèce, du site, de l’âge et de la partie de plante. Parmi les produits d’origine végétale, ne peuvent être considérés comme engrais organiques, que les produits dont la teneur en azote (N) est d’au-moins 3%. En décà de cette valeur, ils rentrent dans la catégorie des amendements organiques.
- Bio-engrais
Par bio-engrais, il faut entendre les organismes vivants intervenant, de manière directe, dans l’alimentation de plantes.
Dans cette catégorie, nous pouvons citer les Rhizobiums qui vivent en symbiose avec les légumineuses et les Mycorhizes (éto-, endo-et ecto-endomychorizes), qui sont des champignons colonisant les racines et vivant en symbiose avec les plantes. Ils ont une puissante capacité de solubiliser et absorber certains minéraux que les plantes sont incapables d’absorber. Tel est le cas de phosphates par exemple.
Il faut noter que les bio-engrais, pour une plus grande efficacité, peuvent être produits en laboratoire.
Prof Christophe Lumpungu