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RDC: Le Prof Katemo parle de la diversité, l’écologie, la conservation et la gestion durable de l’ichtyofaune du Parc national de Lupemba

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Le Professeur Bauchet Katemo Manda de l’Université de Lubumbashi a présenté récemment ses découvertes sur l’Ichtyofaune du Parc national de Lupemba. Approché par le Papyrus, le professeur résume dans les lignes suivantes le fruit de son travail dans ce parc.

Introduction

Poll (1976) a produit la seule liste d’inventaire de poissons du Parc National de l’Upemba (PNU) actuellement disponible comprenant au total 116 espèces valides. Néanmoins, l’existence de plusieurs zones non explorées et tenant compte du caractère accidenté du relief du PNU, laisser penser que l’ichtyofaune du PNU était sous-estimée.

Objectif

Ainsi, cette étude a poursuivi deux objectifs principaux : (i) obtenir un inventaire aussi complet que possible de l’ichtyofaune du PNU; et (iii) étudier la relation entre les poissons et (a) l’environnement ainsi que (b) les impacts anthropiques résultants de la pêche, ceci dans le lac Upemba.

Diversité

Pour ce qui est de l’inventaire de l’ichtyofaune, l’utilisation des données issues : (i) des réexamens de collections historiques des musées, (ii) de la revue de la littérature et (iii) de l’étude des nouvelles collections récemment réalisées (2012-2017) donnent un total de 235 espèces réparties sur 77 genres et 26 familles sont signalées. Par rapport à l’inventaire de Poll (1976), il y a une augmentation de plus de 103 %, ce qui confirme le statut du parc comme zone clé pour la biodiversité. La plus grande diversité globale des espèces se trouve dans la dépression de Kamalondo (108 espèces, soit 46% du total).

Un total de 44 espèces, soit près de 19 % des poissons du PNU, sont endémiques du parc et ont été principalement récoltées dans les zones de haute altitude, et 43 espèces (18 %) ne peuvent être attribuées à aucune espèce connue, ce qui nécessite des études plus approfondies pour leur identification. Néanmoins, 51 espèces (22 %) précédemment signalées par le passé dans le PNU n’ont pas été collectées au cours de cette étude. De ce nombre, 31 seulement ont déjà été signalés dans le bassin inférieur de la Lufira seulement, qui n’a pas été échantillonnée dans le cadre de cette étude à cause de l’insécurité causée par la présence des groupes armés lors de la période d’échantillonnage. Une seule espèce, Heterotis niloticus, a été introduite dans le parc.

Cas d’études

Plusieurs problèmes taxonomiques ont été identifiés. Dans le cadre de leur résolution, cinq cas ont fait l’objet d’études approndies : (i) le statut taxonomique de Raiamas salmolucius (Cyprinidae : Teleostei), auparavant considérée comme répandue dans tout le bassin du Congo, a été révisé à partir des spécimens provenant de l’ensemble de la zone de distribution. A l’issue de cette étude, la distribution de R. salmolucius est limitée au cours principal et aux affluents de la rive droite du bassin du Moyen-Congo. Deux nouvelles espèces, précédemment confondues avec R. salmolucius, ont été décrites: R. marqueti du bassin du Congo supérieur, y compris certains affluents du lac Tanganyika et R. brachyrhabdotos du bassin du Congo inférieur et du bassin de la rivière Kasai. Une clé des espèces de Raiamas du bassin du Congo est donnée. (ii) Une nouvelle espèce rhéophile, territoriale et présentant un dimorphisme sexuel marqué, Enteromius thespesios (Cyprinidae : Teleostei), a été décrite de la partie sud-est du Haut Congo, à savoir les rivières Kalule Nord, Luvilombo et Chambeshi. Cette étude est la première à discuter en profondeur des différences sexuelles de forme des nageoires d’une espèce d’Enteromius, et passe brièvement en revue les connaissances actuelles sur le dimorphisme sexuel chez les espèces d’Enteromius du bassin du Congo. (iii) Une nouvelle espèce, Nannocharax hadros (Teleostei: Distichodontidae), est en cours de description de la rivière Kalule Nord où il semble y être endémique. Cette espèce se singularise par ses lèvres rouges vifs sur les vivants et sa longueur totale maximale de 99,5 mm qui fait de N. hadros la plus grande espèce du genre Nannocharax. (iv) le statut taxonomique de Nannocharax luapulae (Teleostei: Distichodontidae), auparavant considérée comme répandue dans la partie sud du bassin du Congo supérieur, a été révisé. Les évidences méristiques et morphométriques montrent que sa répartition géographique est limitée au bassin de Luapula-Moero. Les populations du Haut Lualaba sont affectées à une nouvelle espèce, N. chochamandai, qui est encours de description. En plus, N. luapulae est redécrit et une clé d’identification mise à jour pour les espèces du genre Nannocharax du bassin du Congo est également fournie. (v) Une évaluation plus précise de la diversité au sein du genre Labeobarbus des rivière Kalumengongo et Kalule Nord dans le parc national de l’Upemba (PNU) a été réalisée à l’aide de l’approche morphologique et génétique. La relation phylogénétique de Labeobarbus des rivières Kalumengongo et Kalule Nord et ceux de différents bassins en Afrique a été déduite à l’aide de deux gènes mitochondriaux, la sous-unité I du cytochrome c oxydase et du gène du cytochrome b. Pour la rivière Kalumengongo, les résultats morphologiques ont permis d’identifier trois espèces: L. gestetneri, L. upembensis et une nouvelle espèce L. sp. ‘kalumengongo’. De plus, deux groupes de spécimens phénotypiques à bouche intermédiaire, dont l’un ne se distingue pas de L. upembensis, à l’exception de certaines caractéristiques des phénotypes buccaux; l’autre à L. sp. ‘kalumengongo’ ont également été identifiés. En revanche, l’ADNmt n’a identifié que L. gestetneri comme constituant une lignée bien séparée. Pour la rivière Kalule Nord, les résultats morphologiques ont permis d’identifier cinq espèces différentes: L. sp. ‘kalule’, L. sp. ‘kapepe’, L. sp. ‘kayo’, L. sp. ‘ngulungu’ et L. sp. ‘nshila’, qui sont toutes nouvelles pour la science. En revanche, l’ADNmt a permi d’identifier trois lignées mitochondriales: (i) L. sp. ‘kalule’, (ii) L. sp. ‘kapepe’, et (iii) un contenant les trois espèces restantes. De plus, deux groupes de spécimens phénotypiques à bouche intermédiaire, l’un semblable à L. sp. ‘ngulungu’, l’autre à L. sp. ‘kayo’ ont également été identifiés. Toutes ces espèces sont endémiques des rivières Kalumengongo ou Kalule Nord.

Ecologie

Cette étude avait pour objets : (i) d’examiner l’assemblage des poissons et (ii) d’évaluer l’influence de l’environnement et de la pêche sur la répartition des poissons dans le lac Upemba. Vingt-quatre stations régulièrement réparties dans le lac Upemba ont été échantillonnées avec une batterie de sept filets maillants monofilaments pendant deux ans. Au cours de la première année (2016), la législation en matière de pêche a été relativement bien respectée, tandis qu’au cours de la deuxième année (2017), un relâchement général de l’application de la législation a été observé. Au total, 50419 spécimens appartenant à 39 espèces, 27 genres et 13 familles ont été collectés au cours des deux années. Parmi ces poissons, 32498 spécimens, soit 64,5% appartenant à 38 espèces, ont été prélevés au cours de la première année d’échantillonnage, tandis que 17921 spécimens, soit 35,5% appartenant à 34 espèces, ont été prélevés au cours de la deuxième année. L’abondance, la diversité des espèces et la croissance des poissons sont très différentes entre la première et la deuxième année d’échantillonnage. Cette différence est attribuée à l’utilisation importante et sans restriction des moustiquaires. Par contre, aucun changement dans les abondances proportionnelles n’a été observé à l’intérieur de chaque station d’échantillonnage, ce qui signifie que certaines espèces n’ont pas profité de la perturbation de l’environnement pour se développer et devenir dominantes. Ceci est dû au caractère non sélectif des moustiquaires. L’analyse canonique de redondance a révélé quatre variables environnementales (conductivité, profondeur de l’eau, matière organique et oxygène dissous) qui structurent significativement les assemblages de poissons du lac Upemba la première année, alors que la deuxième année, ce sont deux facteurs environnementaux (température et conductivité). Cette étude fournit les premières informations de base sur l’impact de la pêche sur les poissons du lac Upemba, ce qui serait bénéfique pour les gestionnaires de la pêche et les défenseurs de la conservation afin d’imposer une réglementation adéquate pour la gestion durable de la pêche et la conservation de la biodiversité du lac Upemba.

Conservation

Au terme de cette étude, plusieurs menaces anthropiques ont été identifiées notamment la présence des groupes armés, la surpêche, et la pêche aux moyens de techniques destructrices et prohibées par la loi, qui menacent sérieusement l’ichtyodiversité du PNU. Bien que le parc assure une certaine protection aux espèces de poissons vivant à l’intérieur de ses limites en limitant l’accès humain à la zone intégrale, la zone annexe est soumise à une forte pression anthropique qui exige des mesures urgentes de protection/conservation et de gestion durable.

Professeur Bauchet Katemo Manda

 

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