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L’architecte Jean- Pierre Nyengele: « L’écroulement d’un immeuble en construction de plusieurs étages est une responsabilité bien complexe et partagée »

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Un immeuble de cinq étages s’est affaissé avec une dizaine des travailleurs à l’intérieur le samedi 20 août 2022 dans la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu. Six ont pu sortir des décombres le même samedi, les uns grièvement blessés, d’autres sains et saufs.  Mis à contribution, les engins de l’Offices des routes ont permis de faire extraire un corps sans vie qui a été acheminé à une morgue.

Cité par Radio Okapi qui a livré cette information, le ministre provincial de l’Urbanisme et habitat, Jérémie Basimane,  s’est réservé encore de parler des causes de cet incident. Il attend les rapports des services compétents sur la qualité des matériaux utilisés, la qualité des architectes qui construisent cet immeuble et les études topographiques menées en amont de cette construction.

Bien entendu, ce énième affaissement d’un bâtiment de plusieurs niveaux en RDC relance la question du non- respect des normes de la construction dans plusieurs chantiers du chef-lieu de la province du Sud-Kivu qui vit, semble-t-il, un boom immobilier.

A ce sujet, le Papyrus a abordé le mercredi 24 août 2022 l’architecte Jean Pierre Nyengele.

Voici dans les lignes qui suivent ce qu’il pense de cette situation :

Nous assistons encore à l’écroulement d’un immeuble de plusieurs étages (environ 5 étages dans la province du Sud-est de la République : Sud-kivu, ville de Bukavu R.D.congo…). Cette responsabilité est bien complexe et partagée. Pour ériger un immeuble, il est impératif de passer par un bureau d’études d’architecture reconnu et enregistré par l’état congolais dans toute sa juridiction. Ce bureau d’études est assisté par un ingénieur géomètre topographe qui donne les précisions techniques du relief de site où terrain identifié pour la construction proprement dite. Ensuite Les données géothermiques ou géophysiques sont précisées par le laboratoire national d’analyse du site, de la zone naturellement spécifique.

L’architecte en tant qu’homme-orchestre, conçoit et coordonne les étapes suivantes d’exécution en référence caractérisée des données fiables précitées. L’architecte ou une équipe d’architectes, assisté par un ingénieur génie civil en construction industriel de bâtiment ou BTP (bâtiment, travaux publics) pour l’assurance, la matérialisation effective de l’édifice rassurant la garantie de la structure, la résistance selon les matériaux appropriés). Tous les plans diversifiés dans leur ensemble sont certifiés après examen de l’organe technique attitré du ministère de l’urbanisme- habitat (livraison d’un certificat ou une Autorisation de bâtir). L’architecte élabore le cahier des charges avec toutes les spécifications techniques, financières et planning des travaux.

L’ingénieur BTP dirige le chantier pour assurer la conception à la matérialisation. Les services de l’État ayant donné ou certifié les plans d’exécution demeurant vigilants au risque de sévérité absolue pour un édifice d’impact public et environnemental. D’où viennent des failles dans le respect des clauses ? L’architecte vend les plans et se retire par manque de compromis d’engagement (non-respect d’engagement avec le maître de l’ouvrage ou bénéficiaire). Parfois l’architecte ou son cabinet est négligé pour ses exigences d’honoraires taxés d’excessifs. Le client s’arrange avec des corps des métiers (maçons, décorateurs et autres) bien limités dans le cursus techniquement possible, substantiel et compétent. Parfois ça devient la guerre ouverte des techniques et artistiques de beaux-arts. D’où les importantes exigences génie-civiles sont notoirement négligées à cause de non-respect des factures. Parfois aussi, l’état est corrompu à travers ses organes techniques qui n’ont pas minutieusement préparé le dossier de livrer en conformité l’autorisation de bâtir.

Toutes ces grandes difficultés énormes convergent vers un tâtonnement technique à haut risque. Ill y a aussi une injonction de maître de l’ouvrage comme Propriétaire, vu son statut social ou politique auprès de technicien sur chantier. C’est ainsi que la panoplie des failles techniques se dessinent clairement et les conséquences sont incalculables.

Sur le cas spécifique de Bukavu, il a ajouté :

Il y a aussi un autre aspect comme ce qui s’est passé à Bukavu. Où certains maîtres d’ouvrage sont Intouchables. Ils ne consultent pas les techniciens ou consultent les techniciens et ravissent les plans pour les confier aux corps du métier comme les charpentiers, menuisiers, maçons, ferrailleurs, plombiers; et tenant compte des dimensionnements des barres de fer on ne sait pas les respecter. Là il faudrait utiliser des barres de fer de 14  – 16 mais on utilise des barres de 10 -8 c’est bien spécifique bien équilibré, au lieu de 8 barres sur une portée quelconque ils peuvent utiliser 3 ou 4 barres. L’écartement même des étriers sur des barres on ne sait pas les respecter et la profondeur considérable de la fondation n’est pas  respectée.

Les différents niveaux de ce  bâtiment par rapport au milieu  où il y a des tremblements de terre ne sont pas respectés, et le type de fondation approprié n’est pas respecté, l’emplacement du bâtiment par rapport à la mer où au lac n’est pas respecté et à chaque fois quand il y a des vagues qui viennent sur le bâtiment  elles peuvent emporter de la terre. Donc on n’a pas respecté tous ces détails énumérés et les conséquences c’est quoi ?

Au lieu de faire 2 étages ils font 6 étages tenant compte du poids du bâtiment ça doit répondre aux exigences géothermiques ou géophysiques du sol. Est-ce que le sol est approprié pour recevoir un bâtiment à autant de niveau ? C’est un aspect tout à fait physique et technique. Mais il y a un autre aspect, le respect des clauses. On croit que l’architecte va se limiter à la livraison des plans, non, c’est lui le directeur du projet, et dans son cabinet il a plusieurs ingénieurs dans leurs spécialités. Quand ils se mettent autour d’une table, ils échangent c’est pour élaborer un plan qui correspond aux exigences demandées. Des fois ils font un bon travail et les services de l’Etat quand ils viennent, ils n’entrent pas dans le fond pour faire des examens appropriés.

Et ces examens-là, ils vont les mener en étroite collaboration pour livrer ou certifier l’autorisation de bâtir. Quelques jours après, vous constatez qu’ils ont peut-être touché 500$ au lieu de 1000$. Et le plan a été élaboré par un artiste qui a fait la décoration, qui n’a aucune notion de construction sur la structure, sur la résistance et sur l’orientation environnementale. Donc tous ces paramètres énumérés ne sont pas réunis, ils vont se mettre à construire en famille avec des gens qui n’ont pas forcément la qualité pour faire ce travail.

Juste parce qu’il a fait la maison d’une certaine personne qui a résisté peut-être par miracle, cette considération ne doit pas être universelle et correspondre au reste du site. Donc c’est un aspect qui fait que des fois vous vous retrouvez avec des maisons qui s’écroulent et lorsque vous avez des crépitements des balles ou on fait le compactage d’une route, ça crée des fissures sur le bâtiment c’est comme ça qu’il va céder. Nous, on a eu la chance de l’étudier avec la Tour de Pise en Italie, qui est penchée, peut-être cassée pour être reconstruite, or la plupart des  grands architectes sont italiens ou espagnols, mais suite aux études géothermiques du sol qui n’étaient pas bien faites, le bâtiment s’est penché.

Est-ce que le ciment utilisé était approprié pour faire 6 étages ? La nature des barres de fer et leurs originalités ? Donc tout ça ce sont des histoires. L’orientation du bâtiment par rapport au vent qui vient. Les vents à Bukavu, il y en a qui viennent du côté Est sud-est. Est-ce que le bâtiment est tourné vers le vent ? Est-ce qu’il y a un vent violent qui souffle de ce côté ?

Ce n’est pas parce que quelqu’un a fait la mécanique à l’université, en polytechnique qu’il peut faire la construction, non. Ou quelqu’un qui a fait le génie civil à l’ISTA, il fait la construction, non. Même ceux qui sont sortis de l’IBTP ou de l’INBTP, chacun dans son domaine, ils ne peuvent pas empiéter sur les prérogatives des autres. Donc ce qui fait qu’aujourd’hui on assiste à la construction d’un bâtiment de 5 étages et rez-de-chaussée qui s’écroule.

Propos recueillis JR Bompolonga 

 

 

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