La culture hydroponique
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Le chercheur Lumpungu
- Définition
La culture hydroponique (hydroponie ou culture hors-sol) est, par définition, la culture de végétaux dans l’eau ou en dehors du sol qui est leur substrat naturel de croissance.
- Comment en est-on arrivé là ?
Pour comprendre le cheminement qui a conduit à l’hydroponie, il a fallu, au préalable, comprendre le fonctionnement physiologique de la plante, elle qui reste immobile dans le sol et doit pour croitre et se développer, trouver tout ce dont elle a besoin là où elle se trouve, à la différence de l’animal qui cherche ce dont il a besoin dans la nature.
Une deuxième différence fondamentale entre la plante et l’animal est que la première produit la matière organique à partir des minéraux et de l’énergie solaire dont certaines radiations seulement lui sont dispensables, alors que le second a besoin de la matière organique pour croître et se développer.
Dès lors, on peut comprendre la dépendance de l’animal de la plante, source de sa nourriture dont il a besoin. Donc, sans plante, pas d’animal !
C’est ainsi que l’un des animaux, l’homme, pour se maintenir en vie, doit recourir aux végétaux qui lui servent de nourriture directement ou indirectement. Mais, malheureusement, le sol, substrat naturel de la plante, n’a qu’une capacité productive limitée dans le temps. C’est ainsi que sous cette contrainte, l’homme sédentaire doit rivaliser d’ingéniosité pour toujours maintenir ou, mieux, améliorer la productivité de celui-ci. Pour y parvenir, il a fallu bien identifier les besoins spécifiques de la plante.
- Quels sont les besoins spécifiques de la plante ?
Dans l’antiquité, Aristote considérait la plante comme un animal inversé qui fixe sa bouche au sol pour se nourrir. Voilà le rôle des racines reconnu, celui de soutirer du sol tout ce dont elle a besoin, notamment l’eau, et, d’après Aristote, l’humus aussi. La thèse de l’humus ne pouvait pas tenir longtemps, car l’humus étant macroscopique, il n’est pas absorbable directement par les racines.
Puis, par la défoliation constante d’un jeune plant qui n’avait pas survécu à cette pratique, les feuilles ont été reconnues importantes pour la vie de la plante et au fil de temps, il leur avait été reconnu les fonctions de respiration et de la photosynthèse (la capture de l’énergie lumineuse et, grâce à celle-ci, la transformation des éléments minéraux en matière organique).
En conclusion, la plante a besoin, pour croître et se développer de:
10) l’eau. Si celle-ci est connue par tous, il n’en est pas ainsi pour les éléments minéraux et les radiations indispensables pour la plante ;
20) les éléments minéraux. Ceux indispensables, de manière générale, pour la plante sont le Carbone (C), l’hydrogène (H), l’oxygène (O), l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K), le calcium (Ca), le magnésium (Mg), le soufre (S), le fer (Fe), le zinc (Zn), le manganèse (Mn), le cuivre (Cu), le molybdène (Mo) et le Bore (B). Leurs sources sont l’air pour le carbone (C), l’eau pour l’hydrogène (H) et l’oxygène (O) et le sol pour les autres. Ces derniers peuvent être concentrés dans les engrais chimiques utilisés dans l’agriculture conventionnelle et en hydroponie;
30) l’énergie lumineuse, sous forme des radiations de 490 à 730 nm de longueur d’ondes. Elle peut être fournie par des lampes artificielles.
Tous ces ingrédients étant bien identifiés, il est dès lors, possible de les réunir et produire à volonté les plantes quel que soit le milieu.
Voilà le cheminement qui a conduit à la production des plantes hors de leur substrat naturel.
Cette pratique qui, à ses débuts, a servi d’instrument pour étudier la physiologie de la plante, particulièrement sa nutrition, est, avec le temps, passée du laboratoire de recherche à la production commerciale (légumes, fleurs, plantes médicinales à épices et à drogues,…).
- Quelles sont les techniques mises en œuvre ?
Fondamentalement, deux techniques de base sont utilisées : 10) l’eau seule, et 20) l’eau avec un substrat solide.
Dans les deux cas, le facteur primordial est l’eau contenant les sels minéraux ou solution nutritive. Celle-ci doit rester dans sa concentration en éléments minéraux (0,5-1%) et en ions hydrogènes (pH compris entre 5,5 et 6,5) aussi constante que possible.
4.1. Technique de l’eau seule ou hydroponie
Dans cette technique, les racines des plantes plongent dans la solution nutritive, qui peut être stagnante ou circulante, mobile ou à flux continu. Cette dernière a plusieurs variantes : 10) NFT (Nutrient Film Technic) où les racines sont léchées par une fine couche d’eau circulante ;
20) aéroponie (les racines suspendues sont couvertes d’un brouillard produit à partir de la solution nutritive dans une enceinte fermée) ;
30) l’ultraponie qui est semblable à la précédente, sauf que les gouttelettes de la solution nutritive sont très petites (moins de 5 micromètres de diamètre) grâce au brumisateur à ultrasons.

Photo 1 : Ciboulette 12 jours après repiquage. NB. Cette photo, issue des travaux pratiques des étudiants montre la forte densité des plants en hydroponie (solution stagnante).
4.2. Technique de la culture sur substrat
En tout état de cause, le substrat, quel qu’il soit, doit répondre aux exigences de la culture du point de vue physique, chimique, biologique et économique.
Du point de vue physique, le substrat doit garantir la circulation de l’eau et de l’air, tout en ayant une bonne capacité de rétention de l’eau et des éléments minéraux. Il doit avoir une bonne stabilité mécanique et garantir l’isolation thermique de la solution nutritive.
Du point de vue chimique, il doit, autant que possible, être inerte, avoir un pH neutre et ne pas contenir des polluants chimiques.
Du point de vue biologique, il ne doit pas contenir d’organismes pathogènes ou tout autre polluant biologique et il doit être facile à désinfecter.
Enfin, du point de vue économique, il doit être largement disponible et d’un prix abordable.
Les substrats peuvent être d’origine minérale, qui malheureusement sont épuisables, d’origine organique comme les fibres du noix de coco, mais qu’il faut, au préalable, traiter ou d’origine synthétique, pas toujours appréciés au regard des exigences de la conservation de l’environnement.
- Avantages et désavantages de l’hydroponie
L’hydroponie, quoique offrant beaucoup d’avantages, reste malgré tout une médaille avec ses deux faces, dont le revers présentant des inconvénients.
5.1. Avantages
Les avantages de la culture hors-sol peuvent être considérés sur trois niveaux :
10) scientifique
Sur ce plan, la technique est un auxiliaire sans concurrent dans la résolution des problèmes de physiologie végétale (détermination des éléments minéraux essentiels, l’équilibre et l’interaction entre eux ; étude du rôle et des doses optimales,…).
20) environnemental
Cette technique contribue à l’économie des espaces cultivés, de l’eau et des engrais. Elle permet une adaptation aux contraintes climatiques (perturbation du calendrier agricole, notamment des pluies erratiques, l’excès des pluies, la raréfaction des eaux douces,…).
30) socio-économique
L’hydroponie promeut une forte productivité (3-4 fois par rapport au sol) ; supprime les rotations ; permet la polyculture, l’accélération de la rotation des récoltes, ainsi que l’augmentation de leur nombre par an.
La production peut être automatisée et réalisée dans des conditions de propreté inhabituelle par rapport au travail dans le sol, etc.
5.2. Désavantages
Les désavantages sont plus liés à l’environnement, notamment l’épuisement des ressources naturelles, mais aussi la pollution du même environnement avec les résidus des substrats après leur usage.
Il en est de même des restes des solutions nutritives qui sont susceptibles de polluer l’environnement.
Au-delà de cet aspect, les substrats solides ont un coût qui peut peser sur les finances de l’exploitation. On peut aussi citer des inconvénients d’ordre physique (lourdeur, perte de porosité, etc) et d’ordre chimique, la libération d’éléments minéraux dans la solution nutritive.
Conclusion
En pesant dans la balance les avantages et les inconvénients de la culture hors-sol, les premiers priment sur les seconds, d’autant plus que ceux-ci peuvent, par des recherches appropriées, être minimisés.
On peut penser à la déminéralisation des restes des solutions nutritives par l’osmose inverse, par exemple et le recyclage des résidus solides.
Au-delà de ce qui a été dit sur la culture hors-sol, il faut noter que cette technique est modulable, adaptable à des multitudes des situations, telle que la « fertigation » utilisable dans des sols sableux ou quasiment dans les déserts, selon la technique de goutte-à-goutte.
Dr Lumpungu Kabamba
Professeur Emérite/UNIKIN
Bibliographie
Jung J.,1972 : Die Wasserkultur höherer Pflanzen, In Scharrer-Linser, Handbuch der Planzenernährung und Düngung I/2, Springer-Verlag, Wien, New York