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Kwango : une mission prospective pour l’éradication définitive de la maladie à Konzo menée dans le Kahemba par BDD/Kikwit-CODEART

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Une mission conjointe a été réalisée dans la Cité de Kahemba, chef-lieu du Territoire du même nom dans la province du Kwango au Sud-0uest de la République Démocratique du Congo, dans la juridiction diocésaine de Kikwit. La Cité de Kahemba est située à 450 km au Sud de Kikwit, siège épiscopal dudit diocèse. Zone frontalière avec la République d’Angola, le Territoire de Kahemba fut en 2006 l’épicentre de l’épidémie de Konzo qui, depuis, persiste au point de devenir une endémie dans la région.

L’objectif de la mission conduite de concert entre le Bureau Diocésain de Développement (BDD) et la Coopération pour le Développement Artisanale (CODEART) était de mener des études prospectives dans la région en vue de l’installation des unités de production de la farine de manioc désintoxiquée ou avec 0 % de teneur en acides cyanhydriques et de la cassave à base de manioc afin de lutter définitivement contre la maladie de Konzo.

Le Konzo, une épidémie persistante à Kahemba

C’est vers 2006 que les premiers cas de l’épidémie de Konzo ont été détectés à Kahemba. Cette maladie est une pathologie neurologique chronique dont la sous-alimentation protéinique accrue d’une ingestion de produits alimentaires à base du manioc mal désintoxiqué, contenant des teneurs élevées en acides cyanhydriques sont les causes principales.

Le phénotype d’une personne victime est caractérisé par une paralysie spastique d’installation brutale et irréversible de membres inférieurs ou des quatre membres dans le cas sévère. Dans plusieurs cas, la maladie intervient toujours comme une épidémie, même si on signale des cas isolés. On note aussi que la survenue de cette maladie est corollaire des crises socio épidémiques perturbant la qualité des vies des populations ainsi que des systèmes existants de sécurité alimentaire. Parmi les personnes les plus affectées, les enfants d’âge supérieur à 2 ans et les jeunes femmes à l’âge de procréer sont les plus rencontrées.

Dans la cité de Kahemba, l’exploitation artisanale du diamant au détriment de la production agricole et les difficultés d’accès à l’eau ont été déterminant pour le déclenchement de l’épidémie. Ajoutez à cela la pauvreté ainsi que les croyances superstitieuses mettant à cause l’origine de Konzo.
Dans tous les cas, l’intoxication chronique au manioc amer et la malnutrition demeurent la cause principale. Ici, comme ailleurs en République Démocratique du Congo, le manioc demeure l’aliment essentiel pour l’humain.

Bien qu’on note une diminution des nouveaux cas dans la cité de Kahemba qui est reconnu comme l’épicentre de la maladie dans sa genèse, au fil des temps, la maladie persiste toujours dans les environs où des dizaines des cas sont signalées chaque année.

Le manioc amer, une énergie empoisonnée

Cultivé essentiellement dans les régions tropicales et subtropicales, le manioc est une plante vivace de culture annuelle don’t les trois parties sont valorisées : les feuilles étant consommées comme légumes, la tige comme semences dans la production par bouture et les tubercules sont beaucoup prisés pour son amidon.
S’adaptant facilement dans des sols pauvres et tolérants les pluviométries réduites et parfois des géographies difficiles, le manioc est très bon marché dans les zones pauvres du fait de sa richesse en amidon. Malgré ses avantages, il sied de souligner que le manioc est très pauvre en lipides et en protéines.
Par ailleurs, on note des teneurs importantes des glycosides cyanogéniques : La linamarine, ou linamaroside, un glycoside cyanogène présent dans les feuilles et les racines. Il s’agit d’un glucoside de cyanhydrine d’acétone qui peut se transformer en acide cyanhydrique et provoquer de graves intoxications, voire la mort.

En fonction de la teneur en acides cyanogènes, on classe les maniocs en :
• Manioc doux avec des faibles teneurs siégeant sur la pulpe et qui sont consommables sans traitement préalable
• Manioc amer avec des teneurs hautement élevés dans la pulpe qu’à l’intérieur du tubercule, don’t le traitement est indispensable.

Il est désormais important de bien rouir le manioc grâce à la fermentation qui évacue des teneurs importantes de ces acides toxiques qui s’achèvent avec l’exposition au soleil pour le séchage.

Dans la cité de Kahemba, ce sont ces variétés amères, principalement le Muambu en provenance de l’Angola qui a déclenché l’épidémie de Konzo. En effet, on rapporte que ces variétés rapidement récoltables à partir de six mois, importées de suite de la crise et migrations contenaient des teneurs très élevées en acides cyanhydriques et de suite d’une alimentation faible en protéines auraient été à la base. Il s’ajoute à cette teneur élevée en acides cyanhydriques, le mauvais rouissage et mauvais traitement et/ou séchage du manioc amer ancré dans les habitudes de la population de cette contrée.

Beaucoup d’actions menées jusqu’ici mais insuffisantes

Depuis l’apparition du premier cas de maladie de KONZO, plusieurs projets ont été réalisés avec des approches différentes notamment l’appui à l’agriculture vivrière par l’amélioration des techniques culturales, l’introduction des variétés douces et des cultures mineuses considérées comme très riche en protéines.

Grace aux projets initiés par ACF, ISCO, etc., la situation semble être maitrisée dans la cité de Kahemba. Les victimes présentant des défauts physiques sont prises en charge par les Sœurs de la Divine Providence qui au-delà d’une alimentation protéinique assure la distribution de l’eau à chaque victime. Des suivis en kinésithérapie sont aussi réalisés et un processus de réinsertion sociale et professionnelle a lieu selon la situation présentée par la victime.
Malgré cela, on note chaque année des nouveaux cas dans la périphérie de Kahemba qui malheureusement n’ont pas bénéficié des appuis présentés ci-haut. Ce que veut réaliser le BDD et CODEART.

BDD-CODEART : une coopération partie pour durer

Tout part de 2018 lorsque Mgr Timothée BODIKA, intronisé évêque de Kikwit deux ans plutôt, était en tournée apostolique à Kahemba, l’une des Paroisses de son diocèse. Pendant le sacrement de confirmation, il fut frappé de constater que la majorité des confirmands présentait un défaut physique. Son questionnement le poussa à découvrir la maladie de Konzo qui aussitôt lança un appel aux hommes de bonne volonté.

Cet appel retenti du côté de la Belgique où CODEART s’est sentie concernée. CODEART est une structure belge spécialisée dans l’aide humanitaire et technologique, accompagnant les paysans à stimuler leurs capacités économiques, sociales, techniques et opérationnelles pour accroitre leur revenu et permettre une vie décente grâce au fruit de leur travail.

Avec une expertise de plus de trente ans en traitement d’huile de palme, de la canne à sucre et du manioc, CODEART a fait ses preuves en Amérique du sud et dans les Antilles, notamment en Haïti ou la consommation du manioc est très ordinaire sans toutefois rencontré un cas de Konzo.
A Kikwit, CODEART veut se montrer tout justement comme le facteur qui relie les pratiques des africains importés comme esclaves et mains d’œuvre dans l’exploitation en Amérique centrale et du sud.

Le Bureau Diocésain de Développement est le département technique de la Caritas Développement Kikwit qui s’occupe du développement Socioéconomique. Le BDD a une expertise et une expérience avérées dans l’accompagnement des populations vulnérables afin de stimuler le développement et l’épanouissement corollaire de l’évangile et de la doctrine sociale Catholique. A ces jours, le BDD exécute le projet de sécurité alimentaire dans le Diocèse de Kikwit dans le secteur kwenge où 905 ménages sont encadrés grâce à l’appui de la Caritas Autriche.

BDD et CODEART sont partis pour une collaboration interminable NORD SUD afin d’apporter des réponses durables à la situation observée à Kahemba et dans d’autres coins du diocèse notamment avec l’exploitation d’huile de palme puisque déjà, d’autres visites ont été menées dans la région de Lusanga, une zone réputée pour l’exploitation de l’huile de palme et où la florissante entreprise de production de farine de maïs STRATEGOS est implantée.

Une prospection réussie pour Kahemba

Malgré les difficultés de route, il faut signaler que la mission conjointe aura été une satisfaction pour CODEART et BDD et permettra des prendre des décisions drastiques afin d’éradiquer définitivement le KONZO.

Des interviews réalisées avec les producteurs agricoles, les mamans paysannes, les leaders d’opinion et les personnes ressources ont montré que le Konzo est un problème multidimensionnel qui demande des actions proportionnées en amont et par secteur d’activité avant l’installation finale de l’unité de transformation de la farine de manioc 0% acide cyanhydrique.

Parmi des actions préalables à mener, il y a lieu de citer :

  • L’augmentation de la production agricole locale afin de dégager un surplus qui servira de matière première à l’unité de transformation ; mais aussi la diversification des cultures dans le but de pourvoir à des sources variées en protéines. Ceci implique la vulgarisation des semences améliorées, notamment les boutures améliorées de manioc et l’accompagnement technique des producteurs.
    • Les sensibilisations pour la prise de conscience afin de lever les barrières sociaux notamment les superstitions qui, à ce jour, bloquent l’élimination de la maladie dans la région.

Une assise locale de taille assurée

Pour réussir cette mission, le BDD Kikwit s’appuie sur son ancrage local. En dehors des producteurs locaux qu’il accompagne, il faut noter que le BDD a collaboré durant cette mission avec les communautés religieuses qui disposent des vastes étendues des terres cultivables et qui travaillent également dans la production du manioc à l’instar de la congrégation des Sœurs de Sainte Marie de Namur, les Sœurs de Marie au Kwango et les Frères Joséphistes de Kinzambi.

caritasdev.cd du 30 août 2022

 

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