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Ir Binzunga: « Oui, les mamans de Kinshasa préfèrent les feuilles de manioc dites de Caoutchouc plus que les autres »

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Ir Binzunga Mamy

Le Manihot glaziovii
Pourquoi les femmes à Kinshasa préfèrent davantage les feuilles de manioc de la variété dite « caoutchouc » que celles des autres variétés? C’est le constat que nous avons pu faire après plusieurs années d’observation. Pour répondre à cette préoccupation, le Papyrus a abordé l’Ingenieure MSc Binzunga Mamy (Photo). Elle est selectuionneure et amelioratrice de la culture de manioc à l’Institut national d’étude et de recherche agronomiques (Inera) à Kinshasa. Ci-dessous les éléments de réponse qu’elle bien voulu nous donner:

« Ce qu’on appelle pondu ya caoutchouc n’est pas une variété. Il s’agit d’une autre espèce du manioc. Il s’agit de deux espèces du manioc. Il y a l’espèce Manihot glaziovii que l’on appelle communément « pondu ya caoutchouc » et puis l’espèce Manihot esculenta qui nous donne le manioc que nous consommons. Le Manihot glaziovii ne donne pas de racines. Parmi les glaziovii il y a plusieurs variétés selon les caractéristiques: le goût, la couleur des feuilles, le cycle de croissance. De la même façon pour le Manihot esculenta, il y a aussi une diversité des variétés, il y a des variétés à cycle long, à cycle court et des caractéristiques que je viens d’énumérer parmi tant d’autres.

Oui, les mamans de Kinshasa préfèrent les feuilles de manioc dites de caoutchouc plus que les autres. Il y a plusieurs raisons. La première est la fraîcheur parce que ces feuilles se présentent à leur portée ou au marché juste après la récolte, elles ne prennent pas beaucoup de temps d’acheminement pour être dans la marmite. Vous pouvez constater vous-même qu’un légume que l’on a cueilli et que l’on a directement préparé le goût sera meilleur qu’un légume qui a passé un ou plusieurs jours sur le chemin. Il y a des éléments organo-leptiques susceptibles de donner du goût qui se dégradent. Le légume ne sera pas bon que celui qu’on a préparé le même jour. Les mamans vendeuses de pondu qui passent sur la route pour commercialiser ces feuilles crient souvent « buka lelo, lamba lelo » (récolte aujourd’hui, prépare aujourd’hui). C’est un message qu’elles font passer pour dire que le légume est frais et que l’on peut le préparer le même jour. Avec peu d’ingrédients le pondu en question sera bon à manger.

La joie d’une femme avec le Manihot glaziovii
Une autre raison c’est le fait que les feuilles semblent être plus sucrées. Selon les comparaisons des mamans, elles trouvent que lorsque l’on a préparé les feuilles de manioc autres que les manihot glazovii, donc les feuilles de Manihot esculenta qu’en lingala on appelle « pondu ya kongo », ces feuilles ne donnent pas vraiment un bon goût. Il est fort probable qu’il y ait plus de teneur assez élevée en glucides, donc en sucre, dans les feuilles dites de caoutchouc. C’est un des éléments qu’il faut prendre en considération dans le choix d’un légume. Les mamans trouvent ces feuilles savoureuses.

Une autre raison est le fait que les feuilles de manioc dites caoutchouc gonflent dans la marmite. Je fais partie des femmes qui font cette observation. Une petite botte seulement peut nourrir une grande famille. C’est pas seulement à Kinshasa que les femmes aiment le Manihot glaziovii, mais aussi dans bien d’autres coins du pays. Le gonflement des feuilles de caoutchouc dans la marmite provient du fait qu’elles sont larges par rapport aux autres qui sont un peu minces. Quand les feuilles sont larges, elles impliquent la quantité.

Le problème qui se pose avec les feuilles Manihot esculenta est la durée de son acheminement. A Kinshasa, il y en a, mais la plus grande partie vient des provinces. Quand on les récolte, elles peuvent prendre un ou deux jours en route. Pour les rendre savoureuses, elles demandent beaucoup de gymnastique, des choses artificielles, beaucoup d’epices. Parfois, le coût des épices est supérieur à celui de l’achat des feuilles dites « kongo ». Il y a des variétés de kongo qui ne demandent pas beaucoup d’épices, elles sont succulentes, seulement il faut faire attention car elles sont accompagnées des graines et si, par malheur, une graine tombe dans la marmite, elle rend amer le pondu. Pour cette raison aussi les femmes préfèrent les feuilles dites de caoutchouc, car elles ne prêtent pas attention quand elles enlèvent les feuilles sur les tiges. Ce qui n’est pas le cas avec le feuilles de kongo qui demandent beaucoup d’attention.

Une autre raison que certains consommateurs avancent, mais qui n’a pas été prouvé scientifiquement, est que les feuilles de manioc dites caoutchouc ne sont pas acides, par conséquent c’est bon pour les gens qui souffrent de la gastrite. Ces consommateurs affirment que les feuilles de manioc dites kongo sont très acides et qu’il faut consommer le Manihot glaziovii. Nous avons fait des analyses à l’Inera et nous avons trouvé qu’il n’y avait pas de différence significative entre les deux espèces. Il est difficile d’enlever aux profanes cette idée de leur tête. »
Propos recueillis par JR Bompolonga

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