Gestion de la productivité du sol et aménagement des cultures avec les arbres sous les tropiques

Sous les tropiques, de manière générale, le sol perd rapidement sa capacité productive une, deux ou rarement trois saisons après sa mise en exploitation, ce qui pousse les agriculteurs à se déplacer saison après saison, au gré de la réduction de la fertilité du sol.

Ce mode d’exploitation, qualifié de Shifting cultivation, est à la base de la déforestation des étendues toujours de plus en plus grandes en raison des contraintes socioéconomiques et, particulièrement, démographique.

Si on ajoute à l’abattage du bois pour l’activité agricole, celui du bois pour d’autres usages essentiels à la vie des communautés, tels que l’énergie et la construction des habitations, les superficies déboisées peuvent, de loin, être supérieures à celles où l’on extrait les grumes, surtout si dans ce secteur, des dispositions pour replanter en vue de remplacer les pieds soustraits sont prises sous contrôle de l’administration des services forestiers.

Ainsi gérées, les forêts naturelles peuvent constituer une source de revenu pour l’Etat, au pire, par l’exportation des grumes, au mieux, par la création d’une filière nationale de bois.

La cause majeure, à la base de la perte de la fertilité du sol, identifiée étant la disparition de la matière organique du sol avec ses corollaires comme l’exacerbation de l’acidité du sol devenant plus agressive et l’accroissement dans le sol, de la teneur en ions aluminiques toxiques pour les racines de beaucoup de plantes de culture et concomitamment la réduction des minéraux essentiels disponibles pour les plantes comme le phosphore et les oligo-éléments (fer, cuivre, zinc, bore et manganèse), le retour à la normalité ne peut se concevoir sans elle.

C’est ainsi que, d’ailleurs dans la nature, la restauration de la fertilité du sol ne s’observe qu’après une longue période de jachère, d’au moins 12 à 15 ans, nécessaire pour réapprovisionner suffisamment le sol en matière organique.

En imitant la nature, par l’usage des techniques agro-forestières bien étudiées, il est possible d’allier les arbres avec les plantes de culture dans le but d’approvisionner le sol, de manière régulière, en matière organique et tirer de cette association beaucoup d’autres bénéfices comme le bois-énergie, le miel, la séquestration du carbone et surtout, la préservation des écosystèmes forestiers naturels tout en sédentarisant les communautés sur leurs espaces coutumiers.

Quant aux éléments minéraux déficients, particulièrement les oligoéléments, leur apport pourrait se faire sans passer par le sol.

Nous basant sur quelques résultats du travail d’une thèse doctorale en gestation, nous pouvons, néanmoins, avancer qu’il est possible, sur un sol tropical ingrat avéré, de produire pendant au moins quatre saisons de suite, du manioc et du maïs avec des rendements d’au moins deux à trois fois supérieurs à ceux généralement obtenus en première saison, lors de l’ouverture de champs dans une forêt.

Cet aspect purement agronomique permet l’accroissement du revenu, bref l’amélioration des conditions socioéconomiques des populations rurales locales, mais aussi, de manière plus globale, pour l’humanité, de contribuer, tant soit peu, à l’atténuation du phénomène changement climatique par la séquestration du carbone.

Professeur émérite Lumpungu Kabamba