Face à la crise à l’Est : Appel à une réflexion stratégique des scientifiques et universitaires

La situation dramatique que traverse l’Est de notre pays, et plus particulièrement à Goma, interpelle l’ensemble de la nation. En tant qu’universitaires, intellectuels et bâtisseurs de solutions durables, notre rôle ne saurait se limiter à l’observation critique ; nous avons la responsabilité de proposer des alternatives viables et adaptées aux réalités de notre pays. Un devoir patriotique pour les élites intellectuelles

L’urgence d’une mobilisation intellectuelle et stratégique

L’histoire nous enseigne que les grandes nations se relèvent des crises en mobilisant leurs élites. L’inaction ou la simple dénonciation ne suffisent plus : il est temps que les intellectuels congolais prennent pleinement leur responsabilité historique.

Nous appelons donc les professeurs, chercheurs, experts en stratégie et en sécurité, économistes et acteurs de la société civile, tant en RDC que dans la diaspora, à se rassembler pour structurer une réponse nationale à la hauteur du défi sécuritaire.

S’inspirer des modèles internationaux pour une réponse stratégique efficace

À travers le monde, des nations confrontées à des crises similaires ont su mobiliser leur intelligentsia pour proposer des solutions innovantes et efficaces. Quelques exemples marquants illustrent cette approche :
• Israël et l’Institute for National Security Studies (INSS) : Face aux menaces sécuritaires constantes, Israël s’appuie sur des centres de réflexion stratégiques indépendants, qui influencent directement les décisions politiques et militaires en fournissant des analyses approfondies et des recommandations adaptées aux réalités géopolitiques.
• Les États-Unis et la Rand Corporation : Depuis des décennies, les États-Unis intègrent des Think Tanks spécialisés dans l’élaboration de politiques de défense et de sécurité nationale. Ces institutions ont permis d’anticiper des crises, de structurer des réponses efficaces et d’optimiser la coordination entre l’État, le secteur privé et la société civile.
• La Chine et ses instituts stratégiques : Pékin a développé un réseau dense d’instituts de recherche qui participent activement à l’orientation des politiques publiques, notamment en matière de sécurité et de relations internationales. Cette interaction constante entre chercheurs et décideurs permet d’adapter rapidement les stratégies aux nouvelles menaces.
• L’Afrique du Sud et l’Institute for Security Studies (ISS) : Ce Think Tank joue un rôle clé dans l’analyse des dynamiques sécuritaires en Afrique et dans la formulation de stratégies adaptées aux défis du continent, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et les conflits armés.

Ces exemples montrent que les solutions aux crises sécuritaires ne viennent pas uniquement des sphères militaires et politiques. Elles sont le fruit d’une réflexion approfondie menée par des experts indépendants, dont la mission est d’anticiper, d’analyser et d’orienter les décisions en fonction des réalités du terrain.

Aujourd’hui, la République Démocratique du Congo a besoin des universitaires pour une réflexion en profondeur des causes et conséquences du conflit à l’Est. Il ne s’agit pas seulement d’une guerre territoriale, mais d’une guerre systémique qui touche les fondements mêmes de notre souveraineté et de notre cohésion nationale.

Le rôle des penseurs et des experts ne doit pas être marginalisé dans la gestion des crises nationales. C’est pourquoi l’apport de chercheurs, d’experts en stratégie, de spécialistes en géopolitique et en économie, s’avèrent indispensable pour formuler des stratégies pragmatiques et innovantes afin de renforcer la résilience nationale ;

Une mobilisation intellectuelle et stratégique urgente

Les expériences internationales nous montrent que la victoire face aux crises sécuritaires repose sur une anticipation rigoureuse, une compréhension fine des rapports de force et une capacité d’adaptation rapide. En nous inspirant des meilleures pratiques, nous devons bâtir une vision stratégique nationale, orientée vers la souveraineté et la paix durable.

Le rôle de l’élite est d’émerger comme une force de proposition crédible, capable d’influencer les choix politiques et sécuritaires du pays. L’inaction intellectuelle serait une complicité tacite avec l’échec.

Nous appelons donc tous les professeurs, chercheurs et experts congolais, en RDC et dans la diaspora, à unir leurs forces pour structurer une réponse nationale à la hauteur du défi sécuritaire. Il est temps que les élites congolaises prennent pleinement leur responsabilité historique.

Prof. Dr Dan Kuba
Consultant en stratégie systémique
Recteur de l’Université Canadienne au Congo