LEPAPYRUS.CD

Site d'information sur la science

Damien-Joseph Muteba et Augustin Tshilumba parlent de la résilience alimentaire et nutritionnelle

21 min read

« Cadre conceptuel de la résilience alimentaire et nutritionnelle », une intervention présentée par Damien-Joseph Muteba et Augustin Tshilumba en 2019 lors des conférences, financées par la Fondation Konrad Adenauer Stiftung à l’Université de Kinshasa et l’Université mariste de Kisangani sur le thème global de « la résilience alimentaire et nutritionnelle en République démocratique du Congo ». Le Papyrus vous présente un extrait de leur conférence.

  1. Introduction

Le concept « résilience » et ses applications concrètes dans la formulation des politiques de sécurité alimentaire, de nutrition et dans leur mise en œuvre, sont récemment devenus un sujet d’actualité pour les acteurs humanitaires et du développement.

Qu’il s’agisse de tempêtes, de sécheresses, comme celles du Sahel qui ont affamé 18 millions de personnes en 2012, ou d’autres événements climatiques extrêmes, d’envolées des prix des denrées alimentaires, oude troubles civils prolongés, les crises ou les chocs continuent de frapper les populations démunies et les plus vulnérables, dans les pays du Sud mais également dans les pays du Nord. Tous ceux qui ne sont pas capables de faire face à ces situations se retrouvent, bien trop souvent, encore plus enfermés dans la pauvreté, en proie à la malnutrition et la faim (Pasquier et Tomarchio, 2013). Devant pareille situation, il s’avère inéluctable que les populations touchées par ces événements développent les facultés de résilience pour y faire face.

Le concept de résilience suscite l’intérêt de groupes bigarrés d’acteurs qui cherchent à réduire la vulnérabilité et à promouvoir le développement durable. La résilience se présente comme une option intéressante, car elle apporte une réponse unifiée à des chocs résultant d’événements catastrophiques et de crises, ainsi qu’aux facteurs de stress associés à l’exposition actuelle aux risques qui menacent le bien-être. L’idée de résilience revêt également un intérêt particulier comme capacité généralisée de répondre à tout un éventail de menaces qui sont devenues de plus en plus imprévisibles (FSIN, 2014).

Le concept de résilience a été utilisé pour la première fois en génie mécanique dans les années 1940. Il a ensuite été repris par les écologistes dans les années 1960 pour désigner la capacité d’un écosystème à réagir à un choc en résistant aux dégâts éventuels et en se remettant rapidement. Il a été par la suite appliqué dans plusieurs disciplines et dans un large éventail de contextes où il est nécessaire d’anticiper et de gérer au mieux le changement et l’incertitude. Ce terme de la résilience a commencé à gagner en popularité parmi les acteurs humanitaires et de développement après les crises financières, alimentaires, de carburant de 2008 qui ont conduit à la recherche de nouvelles approches pour lutter contre la pauvreté (FAO, 2018 ; Barrett et Constas, 2014).

Le concept “résilience” et ses applications concrètes dans la sécurité alimentaire nutritionnelle, tant dans l’élaboration des politiques que dans leurs mises en œuvre, est devenu un sujet d’actualité pour les acteurs de l’humanitaire et du développement. Cette question a pris de l’importance alors que la nutrition connait un regain d’attention, comme l’indique le nombre croissant de pays et de partenaires répondant au défi Faim Zéro lancé par le Secrétaire Général des Nations Unies (FAO, 2014).

La notion de la résilience alimentaire ne peut être appréhendée sans prendre en compte l’ensemble des concepts y afférents. En effet, plusieurs concepts sont évoqués dans les questions ayant trait à la résilience. Il s’agit notamment du concept de « choc », de « risque » et de « vulnérabilité ». La résilience peut prendre plusieurs orientations en fonction du domaine pris en considération. C’est ainsi que les concepts de résilience alimentaire et nutritionnelle sont de plus en plus évoquées dans des situations où des crises alimentaires récurrentes se présentent comme des chocs au sein des groupes sociaux.

La présente étude répond aux questions suivantes :

Qu’entend-t-on par résilience alimentaire et nutritionnelle ?                                                Comment peut-on mesurer la résilience alimentaire et nutritionnelle ?                                    Quels sont les chocs et risques qui menacent la résilience alimentaire et nutritionnelle ? Pourquoi lier la nutrition à la résilience ?

  1. Méthodologie

La méthodologie suivie est basée sur la recherche documentaire. Plusieurs textes portant sur la définition de la résilience et son application dans le domaine de la sécurité alimentaire ont été consultés.

Le choix des textes a porté sur des références théoriques et historiques de la résilience ainsi que sur des documents spécifiques sur la sécurité alimentaire et la résilience provenant de projets, programmes et cadres d’intervention publiés par des institutions, bailleurs de fonds et organisations non gouvernementales (ONG).

Au-delà des références théoriques et historiques, les recherches complémentaires sur internet ont été effectuées sur Google, Googlescholar et Web of Science. Sur internet, il a été utilisé une combinaison des mots[1]clés suivants : « résilience », « sécurité alimentaire », « sécurité alimentaire et nutritionnelle », « projet », « programme » ainsi que les noms de certaines institutions onusiennes, ONG et bailleurs de fonds. Les mêmes mots-clés et combinaisons ont été utilisés, traduits, pour une recherche en anglais. Les références correspondant à l’utilisation de la résilience dans le domaine des systèmes socioécologiques et de la sécurité alimentaire ont été retenues.

L’analyse de cette littérature scientifique a permis de retracer l’histoire de l’intégration de la notion de résilience aux travaux et interventions pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Cette méthode a été inspirée de travaux de Simon Vonthron et al. (2016).

  • Qu’entend-t-on par résilience alimentaire et nutritionnelle ?

Les liens entre la « résilience » et la « sécurité alimentaire » ont déjà été soulignés dans les années 1990. Cependant, ce n’est que depuis quelques années, et en particulier depuis la présentation du rapport sur le droit à l’alimentation au Conseil des droits de l’homme de l’ONU que ce rapprochement s’impose dans les agendas des politiques de développement international.

La notion de résilience, utilisée dans plusieurs disciplines, physique, psychologie, écologie, et en matière de développement est désormais utilisée dans le domaine de la sécurité alimentaire. Selon (S. Vonthron et al., 2016), la mise en œuvre d’une approche « résilience » dans l’ensemble des actions qui visent l’amélioration de la sécurité alimentaire (de l’urgence et du développement) est compliquée pour tous les acteurs impliqués. Aussi bien dans le domaine de la résilience que dans celui de la sécurité alimentaire, pris isolément, les controverses sont vives sur les définitions, les mesures, les priorités et les façons d’agir. La difficulté du rapprochement entre les deux termes se reflète dans une terminologie hésitante : « résilience à la sécurité alimentaire et nutritionnelle » (ACF International, 2012) ; « résilience dans le cadre de la sécurité alimentaire » (MAE, 2014), « résilience pour la sécurité alimentaire et la nutrition» (FAO, 2006) ; « résilience à l’insécurité alimentaire » ; « sécurité alimentaire et résilience » (UE, 2012) ; résilience pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle» (Fan et al., 2014) ; « la résilience de leurs moyens de subsistance grâce à la sécurité alimentaire» (WFP, 2011) ; « résilience et sécurité alimentaire» (UNSCN, 2010). Cette contribution, basée sur un dialogue entre chercheurs des deux domaines de la résilience appliquée aux systèmes socioécologiques et de la sécurité alimentaire, a permis de faire un état des lieux des enjeux de ce rapprochement, et des opportunités et des risques qu’il comporte.

Au regard de ce qui précède, il convient de donner d’abord une définition claire de la résilience avant de définir la résilience alimentaire et nutritionnelle

Définition de la résilience

Il existe plusieurs définitions se rapportant à la résilience. Dans le cadre de l’Alliance globale pour la résilience (AGIR), la résilience est définie comme «la capacité des ménages, familles, communautés et des systèmes vulnérables à faire face à l’incertitude et au risque de choc, à résister au choc, à répondre efficacement, à récupérer et à s’adapter de manière durable » (AGIR, 2013).

La résilience est la capacité d’un système, qu’il s’agisse d’une forêt, d’une ville ou d’une économie, de faire face au changement et de continuer à se développer. Il s’agit donc de la force de résistance et de l’adaptabilité d’un système donné mais aussi de son aptitude à transformer les chocs et les perturbations, comme par exemple une crise financière ou des modifications du climat, en possibilités de renouvellement et en pensée novatrice. La pensée de la résilience englobe l’acquisition des connaissances, la diversité et surtout la conviction que les êtres humains et la nature sont si étroitement liés qu’ils doivent être considérés comme constitutifs d’un seul et même système socio-écologique.

Résilience alimentaire et nutritionnelle

En se basant sur des définitions existantes et sur son expérience dans le soutien aux moyens d’existence dépendant de l’agriculture, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a proposé une définition de la résilience qui met en évidence la pertinence de ce concept pour le secteur de l’agriculture et de l’alimentation : la résilience est la capacité à prévenir et atténuer l’impact des catastrophes et des crises ainsi qu’à anticiper, absorber les chocs et adapter ou rétablir la situation d’une manière rapide, efficace et durable. Ceci comprend la protection, la restauration, la transformation et l’amélioration des systèmes de moyens d’existence face aux menaces ayant un impact sur l’agriculture, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la sécurité sanitaire des aliments (FAO, 2013).

Etre résilient, c’est avoir les moyens de rebondir face à ces situations difficiles, éviter de tomber ou de retomber dans une précarité extrême, grâce à des ressources durables. C’est être aussi en capacité d’éviter et d’atténuer les impacts des catastrophes et crises, de les anticiper et les absorber, de s’en remettre, ou de s’adapter aux risques liés à l’agriculture, la nutrition, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire des aliments et la santé publique en temps opportun et de manière efficace. (Pasquier et Tomarchio, 2013).

Etre résilient, c’est pouvoir, in fine, avoir accès à une nourriture en quantité et en qualité suffisante en toute situation. Or aujourd’hui, dans encore de nombreux pays du Sud mais également en Europe et en France, un trop grand nombre de personnes souffre de la faim.

Atteindre la résilience, c’est agir sur tous les fronts du développement en tenant compte des différents risques auxquels peuvent avoir à faire face les populations les plus vulnérables : les risques climatiques, économiques ou d’instabilité politique.

C’est développer des capacités individuelles et collectives, en renforçant les capacités productives et les moyens de subsistance, et en offrant un environnement adapté, avec un accès aux services et aux biens essentiels (l’eau, les services de santé, l’éducation), et ce aussi bien dans les contextes de grandes concentrations humaines en milieu urbain que dans les environnements ruraux isolés, sans distinction de genre.

Cette définition couvre la protection, le rétablissement et l’amélioration des systèmes agricoles et alimentaires face aux menaces sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’agriculture et / ou la sécurité sanitaire des aliments / la santé publique ».

  1. Quels sont les chocs et risques qui menacent la résilience alimentaire et nutritionnelle ?

Les multiples menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, leur incidence négative et cumulée, ainsi que la corrélation claire entre les chocs et la faim, révèlent la fragilité des systèmes de production alimentaire actuels et leur vulnérabilité en cas de catastrophe. Ces catastrophes et l’insécurité alimentaire sont directement liées.

Les inondations, les ouragans, les tsunamis et autres aléas détruisent les infrastructures agricoles, aquacoles et d’élevage, les biens, ainsi que les moyens et la capacité de production. Ils interrompent l’accès aux marchés, les échanges et l’approvisionnement en denrées alimentaires, réduisent les revenus, amenuisent les économies, érodent les moyens d’existence. La sécheresse, les ravageurs et les maladies des plantes (tels que les acridiens et les chenilles processionnaires), les maladies des animaux (comme la peste porcine africaine) et les contaminations alimentaires ont une incidence économique directe en réduisant ou en anéantissant les productions agricoles, avec des répercussions négatives sur les prix, les échanges et l’accès au marché, d’où la diminution des revenus des exploitations et de l’emploi. Les pratiques agricoles déficientes, associés à une croissance démographique sans précédent et une transition vers l’agriculture sédentaire, contribuent à une perte de terres agricoles viables et à une intensification du conflit local concernant les ressources de plus en plus limitées. Ces impacts réduisent considérablement la production alimentaire et les revenus des ménages, ce qui oblige les familles à acheter plus d’aliments qu’elles n’en produisent, en particulier durant la saison la plus chaude, lorsque les chocs sur les marchés sont les plus prononcés (FAO, 2013 ; Mercy corps, 2016).

Différents facteurs de risques peuvent contribuer à aggraver la vulnérabilité d’un pays, d’un ménage ou d’un individu. Le risque est souvent défini comme la « valeur probable d’un événement nuisible », c’est-à-dire la probabilité de survenue de ce risque multipliée par la valeur de la perte imputable à ce risque.

Dans le domaine de la sécurité alimentaire, le risque peut être de nature variée : climatique (sécheresse ou inondation par exemple), économique (variation brutale des prix) ou politique (conflits).

Il est utile de distinguer deux principaux types de risques susceptibles de modifier les niveaux de sécurité alimentaire des ménages : les chocs (irréguliers, imprévisibles : par exemple une sécheresse) et les tendances ou stress (processus de long terme : par exemple la désertification) (Inter[1]réseaux 2013).

Le risque et la résilience sont intrinsèquement liés. Une grande part de la recherche et de nombreux cadres stratégiques pour promouvoir la résilience dans un contexte d’insécurité alimentaire se sont, jusqu’à présent, concentrés sur les chocs systémiques (tels que la volatilité des prix des aliments), les désastres (par exemple les sécheresses de 2011- 2012 au Sahel) et les pressions à long terme (changements climatiques, dégradation de l’environnement) qui affectent la capacité des personnes et des communautés à s’adapter (Oxfam Canada, 2014).

La vulnérabilité est un concept appliqué récemment à l’analyse de la sécurité alimentaire. Il existe des confusions fréquentes entre pauvreté et vulnérabilité. La pauvreté est en général utilisée pour décrire un état des populations au moment présent. La vulnérabilité contient l’idée d’une évolution : elle permet d’anticiper comment le bien-être des individus peut évoluer dans le temps. L’expression « vivre sur le fil du rasoir » offre une 19 bonne image de ce que signifie la vulnérabilité : une légère poussée peut faire basculer une personne dans la pauvreté et/ou la faim.

La vulnérabilité à la sécurité alimentaire est étroitement liée à la notion de moyens d’existence. Les moyens d’existence sont les moyens de gagner sa vie, c’est-à-dire les activités et les ressources qui permettent aux gens de vivre. Ces moyens d’existence peuvent notamment provenir de biens humains (connaissances, éducation, capacités de travail, bonne santé), sociaux (relations sociales), naturels (terres, forêts, ressources en eau), physiques (bétail, terres, outils) et financiers (revenus, accès au crédit et aux investissements). Plus un ménage peut recourir à des moyens d’existence variés, moins il sera vulnérable. Au Sahel, les crises successives ont conduit à l’érosion des moyens d’existence d’un nombre croissant de ménages.

  1. Comment peut-on mesurer la résilience alimentaire et nutritionnelle ?

Il existe plusieurs modèles conceptuels de mesure de la résilience élaborés par des chercheurs, des organisations non gouvernementales, ainsi que des organismes nationaux et internationaux. Des approches quantitatives permettent de mesurer la capacité de résistance des populations face à l’insécurité alimentaire et d’évaluer l’efficacité des interventions visant à renforcer leur résilience. Ces outils permettent également d’expliquer pourquoi et comment certains ménages résistent mieux que d’autres aux chocs et aux facteurs de stress (FAO, 2016 ; FSIN, 2014).

Les caractéristiques méthodologiques (le type d’outils de collecte de données) requis pour mesurer la résilience sont les suivantes :

  1. Types de chocs : les données relatives aux chocs peuvent porter sur des chocs ressentis à grande échelle (chocs covariables), des chocs locaux ou individualisés (chocs idiosyncrasiques), et des facteurs de stress de faible intensité qui peuvent avoir un effet négatif cumulatif sur le développement. Des types spécifiques de chocs contribuant à la mesure de la résilience sont, par exemple, les effets du changement climatique, les différents aléas climatiques, les chocs résultant de conflits, les chocs économiques, les chocs géologiques, les ravageurs et les maladies.
  2. Mesures objectives et subjectives : les données relatives aux chocs peuvent inclure des mesures objectives qui enregistrent des données de base sur les chocs et les facteurs de stress (par exemple, intensité, ampleur, fréquence) et des mesures subjectives (par exemple l’effet perçu des chocs et des facteurs de stress).
  3. Capacités de résilience : la capacité de résilience est nécessairement multidimensionnelle. Elle doit englober une panoplie d’indicateurs concernant les ressources et les capacités économiques (avoirs, marchés, filières d’approvisionnement),sociales(capital social, réseaux sociaux), technologiques (pratiques agricoles), environnementales (ressources, pratiques de gestion des ressources naturelles), liées à l’infrastructure (réseau routier), à la sécurité (pratiques d’atténuation des conflits) et aux institutions (gouvernements).
  4. Dynamique de la résilience : la capacité de résilience est mesurée en fonction du calendrier et des aléas. L’effet des capacités de résilience sur le bien-être en présence de chocs peut être déterminé en mesurant le bien-être existant avant et après les chocs.
  5. Indicateurs de groupes : certains facteurs comme la localisation d’une population cible ou le type de groupe de moyens d’existence peuvent avoir une incidence sur la probabilité d’être exposé à un choc et/ou un facteur de stress, et les capacités d’une population cible à absorber, s’adapter ou à se transformer en présence de chocs et/ou de facteurs de stress. Les quatre études en question ont collecté des données de localisation et autres pour analyser les sous-groupes.
  6. Contexte environnemental : les conditions environnementales dans lesquelles vivent les populations peuvent favoriser ou restreindre leur exposition aux risques et la possibilité d’absorber, de s’adapter et de se transformer en présence de chocs. C’est pourquoi un ensemble de facteurs environnementaux sont pris en compte, tel que le climat et le changement climatique, la situation et la gestion des ressources naturelles, les zones agroécologiques et les changements dans le paysage des risques associés à l’environnement et aux systèmes écologiques.
  7. Types de données : les mesures de la résilience peuvent inclure une sélection de données quantitatives et qualitatives, apportant ainsi les données requises pour analyser les rapports, construire et tester des modèles de prédiction des pour évaluer l’impact, et décrire en détail les contextes locaux.

Adaptation de la résilience au contexte

Dans des contextes fragiles, la résilience est cruciale pour progresser vers les objectifs de développement et humanitaires, de la protection des familles à l’augmentation des revenus, en passant par l’amélioration des conditions de santé.

Quatre questions d’orientation guident l’analyse et aident à comprendre dans quelle mesure les chocs et les stress peuvent compromettre les résultats escomptés.

Ces questions sont les suivantes (Mercy Corps, 2016) :

– Résilience de quoi ? Comprendre la dynamique des systèmes : qu’est[1]ce qui doit être plus résilient ?

– Résilience à quoi ? Développer des profils de vulnérabilité : la capacité de résilience de qui doit être améliorée ? Comment différentes personnes sont-elles vulnérables à différents chocs et stress, et pourquoi ?

– Résilience pour qui ? Cartographier les chocs et les stress : à quels types de choc et de stress les individus, ménages, communautés et systèmes devraient-ils être résilients ?

– Résilience à travers quoi ? Identifier les capacités de résilience : de quelles ressources et stratégies a besoin la population pour continuer à aller de l’avant malgré les chocs et les stress ?

  1. Pourquoi lier la nutrition à la résilience ?

Les concepts de nutrition et de résilience sont de toute évidence étroitement liés : la nutrition est à la fois un déterminant et un résultat du renforcement de la résilience. Réduire la malnutrition est crucial pour le renforcement de la résilience car des personnes bien nourries sont en meilleure santé, peuvent mieux travailler et ont de meilleures performances physiques. Les ménages qui présentent une sécurité nutritionnelle sont ainsi plus aptes à résister aux chocs extérieurs. Inversement, les ménages qui sont les plus touchés par les chocs et les menaces sont les plus exposés à la malnutrition. Ainsi, renforcer la résilience est essentiel dans les efforts pour réduire la malnutrition (FAO, 2018).

Le concept de sécurité nutritionnelle englobe et dépasse celui de sécurité alimentaire. Il a été introduit suite au constat, notamment après la crise de 2005 au Niger, que certaines personnes disposaient de suffisamment de nourriture, mais souffraient de sérieux problèmes de malnutrition, avec des conséquences de long terme, voire irréversibles, sur leur santé et leurs capacités physiques et intellectuelles (Inter-réseaux, 2013).

Les crises économiques, comme l’augmentation en flèche des prix des denrées alimentaires, entraînent une diminution du revenu réel, contraignent les plus démunis à vendre leurs biens et se traduisent par une baisse de la consommation de denrées alimentaires, un appauvrissement de la diversité du régime alimentaire et un accès plus difficile à de la nourriture de qualité. Les catastrophes créent donc un engrenage de pauvreté, qui aggrave la prévalence de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition (FAO, 2013).

Les causes immédiates de la malnutrition sont les maladies et/ou des apports alimentaires inadéquats. Ces causes dépendent elles-mêmes de différents facteurs qui affectent la santé (l’accès à des services de santé, d’hygiène, d’eau et d’assainissement par exemple), de la qualité des soins dont bénéficient les femmes enceintes, les mères et les enfants, ainsi que l’accès à une alimentation en quantité et de qualité suffisante. C’est à partir de ces 3 causes sous-jacentes de la malnutrition, la sécurité alimentaire, la santé et les soins que s’articule le concept de sécurité nutritionnelle.

Conclusion

La présente étude documentaire a été initiée dans le but de conceptualiser « la résilience alimentaire et nutritionnelle » dans un contexte de crise alimentaire. Quatre questions ont été formulées au départ de cette étude de la manière suivante : – Qu’entend-t-on par résilience alimentaire et nutritionnelle ? – Comment peut-on mesurer la résilience alimentaire et nutritionnelle ? – Quels sont les chocs et risques qui menacent la résilience alimentaire et nutritionnelle ? – Pourquoi lier la nutrition à la résilience ?

La méthodologie suivie est basée sur la recherche documentaire. Le choix des textes a porté sur des références théoriques et historiques de la résilience ainsi que sur des documents spécifiques sur la sécurité alimentaire et la résilience provenant de projets, programmes et cadres d’intervention publiés par des institutions, bailleurs de fonds et organisations non gouvernementales (ONG).

Au terme de la recherche, il en résulte que :

La résilience est définie et mesurée aux niveaux de l’individu, du ménage ou du pays. Ces définitions ont trois éléments en commun : (i) la capacité à se remettre d’un choc, (ii) la capacité d’adaptation à un environnement changeant et (iii) la capacité de transformation d’un environnement institutionnel favorable. La mise en œuvre d’une approche « résilience » dans l’ensemble des actions qui visent l’amélioration de la sécurité alimentaire (de l’urgence et du développement) est compliquée pour tous les acteurs impliqués. Aussi bien dans le domaine de la résilience que dans celui de la sécurité alimentaire, prises isolément, les controverses sont vives sur les définitions, les mesures, les priorités et les façons d’agir.

Différents facteurs de risques peuvent contribuer à aggraver la vulnérabilité d’un pays, d’un ménage ou d’un individu. Le risque étant défini comme la valeur probable de réalisation d’un événement nuisible. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, le risque peut être de nature variée : climatique (sécheresse ou inondation), économique (variation brutale des prix) ou politique (conflits). Il est utile de distinguer deux principaux types de risques susceptibles de modifier les niveaux de sécurité alimentaire des ménages : les chocs (irréguliers, imprévisibles : par exemple une sécheresse) et les tendances ou stress (processus de long terme : par exemple la désertification)

Les concepts de nutrition et de résilience sont de toute évidence étroitement liés : la nutrition est à la fois un déterminant et un résultat du renforcement de la résilience. Le concept de sécurité nutritionnelle englobe et dépasse celui de sécurité alimentaire. En effet, les crises économiques, comme l’augmentation en flèche des prix des denrées alimentaires, entraînent une diminution du revenu réel, contraignent les plus démunis à vendre leurs biens et se traduisent par une baisse de la consommation de denrées alimentaires, un appauvrissement de la diversité du régime alimentaire et un accès plus difficile à de la nourriture de qualité. Les catastrophes créent donc un engrenage de pauvreté, qui aggrave la prévalence de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition.

Professeurs Damien-Joseph Muteba et Augustin Tshilumba

Bibliographie

ACF International. 2012. Améliorer la résilience au changement climatique et à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Document de cadrage. Paris, France : Action contre la faim, 17 p. http://www. actioncontrelafaim.org/fr/content/ameliorer-la-resilience-au-change ment-climatique-et-la-securite-alimentaire-et-0.

AGIR (2013), Feuille de route régionale adoptée le 9 avril 2013. http:// www.oecd.org/fr/csao/publications/AGIR%20roadmap_fr_FINAL.pdf

Barrett CB, Constas MA. 2014. Toward a theory of resilience for international development applications. Proc Natl Acad Sci USA 111: 14625–14630. doi: 10.1073/pnas.1320880111.

Fan S, Pandya-Lorch R, Yosef S, ed. 2014. Resilience for food and nutrition security. Washington, DC: International Food Policy Research Institute (IFPRI), 211 p. http://www.ifpri.org/sites/ default/files/publications/ oc79.pdf#page=108.

FAO. 2006. Building resilience for food security and nutrition in the near East and North Africa. Rome, Italie: FAO–Regional Office for the near East and North Africa – RNE, 2 p. http://www.fao.org/3/aml968e/ ml968e15.pdf.

FAO (2013), La résilience des moyens d’existence : Réduction des risques de catastrophe pour la sécurité alimentaire et nutritionelle, Rome.

FAO (2014), Renforcer les liens entre la résilience et la nutrition dans l’agriculture et l’alimentation, FAO(2016), Consolider la résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest, Rome

FAO (2018), Nutrition et résilience, Renforcer les liens entre la résilience et la nutrition dans l’agriculture et l’alimentation – Document de réflexion, Rome.

FSIN (2014), Un cadre analytique commun de mesure de la résilience – Cadre de causalité et options méthodologiques Série technique No. 2.

Inter-réseaux (2013), Sécurité alimentaire, nutrition, résilience : quelques définitions. Grain de sel nº 59-62 -juillet 2012 – juin 2013

MAE. 2014. La résilience dans le cadre de la sécurité alimentaire. Paris, France : Ministère des Affaires étrangères et du Développement international. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politiqueetrangere[1]de-la-france/sante-securite-alimentaire-education-etgenre/securite[1]alimentaire/article/la-resilience-dans-le-cadre de-la.

Mercy Corps (2016), Notre approche de la résilience pour l’aide d’urgence, le relèvement précoce et le développement.

Oxfam Canada (2014), Résilience et sécurité alimentaire. Apprendre de l’expérience des organisations de femmes, Ottawa, KIL 8L7, Canada.

Pasquier C. et Tomarchio A. (2013), Baromètre de la faim 2013. 3eme édition, ACTED- 33, Paris – France.

  1. 2012. The EU approach to resilience, learning from food security crisis. COM (2012) 586 final. Brussels, Belgium: European Commission, 13 p. http://ec.europa.eu/echo/files/policies/resilience/com_2012_586_ resilience_en.pdf.

UNSCN. 2010. Climate change and nutrition security. Message to the UNFCCC negociators. In: United Nations Framework Convention on Climate Change – 16th United Nations Conference of the Parties (COP16). Cancun, Mexique: United Nations System Standing Committee on Nutrition, 11 p. http://www.unscn.org/files/State ments/Bdef_NutCC_2311_final.pdf.

Vonthron S, Dury S, Fallot A, Alpha A, Bousquet F. (2016), L’intégration des concepts de résilience dans le domaine de la sécurité alimentaire : regards croisés. Cah. Agric. 25: 64001.

WFP. 2011. Climate change and hunger: towards a WFP policy on climate change. Informal consultation. C-10367E. Rome, Italie: World Food Programme, 15 p. http://documents.wfp.org/stellent/groups/public/ documents/resources/wfp232740.pdf.

Source : Les Actes des conférences de 2019 a l’Université de Kinshasa et l’Université mariste de Kisangani

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *