« Biofertilisant, biopesticide et bioherbicide » comme solutions respectueuses de l’environnement
6 min readLa réduction des intrants diminue la charge aux agriculteurs, mais aussi améliore leur santé, leur environnement (sol, air, eau) et préviennent la résistance aux ravageurs (Wilson et Tisdell, 2001; Bourguet et Guillemaud, 2016). La transition vers l’agro-écologie est le raccourci pour sortir 20 millions de congolais de la pauvreté. L’approche conventionnelle est le moyen sûr pour aggraver la pauvreté de 20 millions de congolais.
Ce sont les conclusions du Professeur Roger Kizungu Vumilia, Directeur scientifique de l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomiques (INERA), à l’issue d’une visioconférence initiée par la Coopérative Bilanga ya betu que dirige Dr Serge Mbayi et animée le samedi 30 avril 2021 sur le thème « Biofertilisant, biopesticide et bioherbicide » comme solutions respectueuses de l’environnement pour l’assainissement et la croissance des cultures agricoles.
L’enjeu principal de cette activité était de voir les voies et moyens visant la réduction de l’utilisation des produits chimiques synthétiques (fertilisants, pesticides, herbicides) dans les cultures. C’est un défi majeur dans l’agriculture conventionnelle, a déclaré l’orateur qui a signalé qu’il a publié une étude à ce sujet en 2002.
Le Professeur Kizungu a indiqué que, de plus en plus, beaucoup de personnes commencent à faire le lien entre une agriculture respectueuse de l’environnement et l’usage des fertilisants, pesticides, herbicides chimiques et synthétiques. Il estime que la réticence à la réduction de l’utilisation de ces produits chimiques toxiques est réelle. Elle est due au risque de perdre les récoltes suite à l’attaque des ravageurs.
Cependant, l’orateur a estimé que plusieurs pratiques agro-écologiques sont maintenant avérées efficaces pour maintenir des rendements satisfaisants, tout en réduisant l’utilisation de produits chimiques. Parmi ces pratiques, on compte les biofertilisants, les biopesticides, les bioherbicides (Mossala et al. 2017). En outre, a-t-il dit, on signale aussi les variétés résistantes, la lutte biologique, la lutte intégrée contre les bio-agresseurs. On cite aussi l’association des cultures, les paillages, les relais des cultures etc.
Pour le professeur, l’objectif de cette animation était d’attirer l’attention sur deux approches de l’agriculture, à savoir la conventionnelle, dominante avec beaucoup d’exemples de pseudo-succès documentés par Rosset en 1999 et l’agro-écologique, dépourvue des exemples de succès documentés.
Il n’a pas manqué de signaler en passant le phénomène de suicide des agriculteurs modernes et sa cause. Il a donné un exemple simple de l’avantage des pratiques agro-écologiques sur le bénéfice à l’échelle d’un are (Morel, 2016) et l’approche conventionnelle, moderne de l’agriculture en monoculture avec comme exemple Bukangalonzo.
Selon l’orateur, dans l’approche conventionnelle, moderne de l’agriculture, on commence l’affaire avec un capital financier important, les profits ne font que diminuer au fil des ans … jusqu’au suicide de l’agriculteur. Les charges (semences, pesticides, herbicides, fertilisants, main d’œuvre) augmentent toujours de prix au jour le jour ; les rendements, les productions, les recettes sont plafonnés ; en fin de compte, le bénéfice (recettes-charges) ne fait que diminuer.
Par rapport à l’approche conventionnelle, l’orateur a signalé quelques titres que l’on trouve dans les journaux en Europe. C’est le cas du journal Libération du 14 janvier 2021 : « Suicide des agriculteurs : Le rapport qui pointe le manque des moyens » ou encore « Genou à terre, des agriculteurs alertent sur les suicides et les «fermes qui ferment ». Cela pour dire que les grands financements dans l’agriculture n’ont toujours pas donné les résultats escomptés.
Dans l’approche agro écologique, a-t-il dit, on peut commencer avec un capital financier faible (10 poules sur parcours), les profits futurs (300 poules en 6 mois) ne font qu’augmenter jusqu’à atteindre les recettes maximales (témoignages des fermiers non publiés, calculs simples à partir des paramètres de reproduction).
En effet, les bénéfices (recettes-charges) ne font que augmenter au fil des ans. Exemple d’une association et d’un relais de culture. L’Aubergine (Solo) est une culture de trois mois et elle s’associe pendant 1 mois avec l’Amarante (Bitekuteku) en respectant les densités respectives. Après récolte des amarantes, l’Oseille (Ngai-ngai) prend le relais en dessous des aubergines. Plutôt que d’attendre la récolte des aubergines après trois mois, on récolte entre temps les amarantes suivies de l’oseille.
Le professeur a donné quelques avantages de cette association : L’Amarante et l’oseille couvrent le sol: cela empêche les mauvaises herbes de pousser et évite l’évapotranspiration. Cela implique la diminution de la charge de la main d’œuvre
(sarclage et arrosage). Si on a à côté l’élevage des poules, on diminue la charge de la
matière organique et l’engrais.
Concernant le biofertilisant, biopesticide et bioherbicide, a dit le professeur, une équipe de l’INERA a mis au point un compost liquide (3 produits en 1) enrichi utilisable à faible dose comme fertilisant, à dose moyenne comme pesticide et à forte dose comme herbicide (Mossala et al. 2017). Une fiche technique étape par étape a été mise au point par la Ferme d’Application des Résultats de la Recherche (FARRE).
Il a fait remarquer que les plantes citées sont les herbes souvent identifiés comme « mauvaises herbes » mais reconnues pour leur capacité à se décomposer facilement et pour leurs vertus anti fongiques et anti bactériennes. Elles ne sont pas à importer.
Les formules expérimentées par les chercheurs de l’INERA sont « un bien public » car les chercheurs sont payés par les contribuables. Elles peuvent être exploitées par n’importe quel entrepreneur qui peut déposer un brevet sur son produit à grande échelle. Ces formules ont permis un gain en rendement de l’ordre de 180-200% par rapport au témoin (Mossala et al. 2017)
Le Professeur Kizungu a anticipé quelques questions que quelques personnes se posent. La première est celle-ci : Pourquoi ces pratiques agro écologiques simples n’ont pas attiré l’attention des milieux politiques, financiers et académiques pendant
si longtemps ? Il a répondu en indiquant que le bruit entretenu par les grands producteurs était et reste encore dominant (Conrad, 2014).
La deuxième question : Ne peut-on pas mettre à l’échelle ces pratiques agro-écologiques ? Pour le professeur, il suffit de jeter un coup d’œil en Asie pour trouver beaucoup d’exemples de mise à l’échelle (Vinodakumar et al. 2017). Aujourd’hui
après la transition vers l’agro-écologie débutée en 1999 (Rosset, 1999), aux USA, 50% des exploitations agricoles ont au plus 2 ha, 75% ont au plus 4 ha (USDA, 2021). Il a conseillé d’aller vers les petites exploitations à l’échelle humaine que vers les très grandes exploitations.
Troisième question : Et les petits fermiers en RD Congo dans tout cela ? Il a donné cette réponse, ils pratiquent l’approche conventionnelle, car forcés par l’opportunité des marchés. Ils utilisent les produits toxiques sur les produits à vendre mais ignorent qu’ils s’intoxiquent. Dans leurs champs, ils ont toujours quelques plates bandes sans produit chimique, suivant les pratiques agro-écologiques pour leurs familles.
Quatrième question : Doit-on décourager l’approche conventionnelle ? Sa réponse est celle-ci : Ne pas bipolariser le débat (Wegner, 2011). Que ceux qui ont les gros moyens puissent investir dans les grandes exploitations. Seulement qu’ils sachent qu’ils vont à terme se suicider et laisser derrière eux un désert. Que ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens puissent se concentrer sur un hectare en installant petit à petit le maraîchage, l’élevage, la pisciculture ou l’aquaculture, la transformation des déchets etc. Si 1 ha (75 Plates bandes de maraîchage sur 1000m²+ cinquantaine d’arbres fruitiers sur 3500 m²+ 1000 m² d’étang produisant 30 kg de poisson/jour+ basse cour avec 500 oiseaux + 25 petits ruminants+ 500 petits rongeurs), peut nourrir 15 ménages et générer 6 emplois, alors la RDC peut nourrir 6 milliards de personnes sur ses 80 millions d’ha de terres arables, a fait observer le professeur.
Cinquième question : Que pensez-vous de Bukanga Lonzo (80 milles ha) ? Il n’a pas d’objections. Pour le professeur, ce qui est démontré est que ces 80000 ha ont la vocation de devenir un désert à terme pour si peu de production en monoculture. Si on pouvait, en parallèle installer 1500 jeunes qui ont la passion de l’agriculture sur 1500 ha à côté de 1 500 ha en production
conventionnelle de la saison 2020, aujourd’hui, on aurait sur chaque hectare au moins 50 arbres fruitiers soit 75 000 arbres ayant atteint 1 mètre. Dans 5 ans, pendant que la production continuerait à diminuer sur les 1 500 ha modernisés, les arbres, les animaux de la partie agro écologique serait en pleine production.
JRB