A la suite du Gouvernement, les spécialistes s’interrogent sur les possibilités de l’insertion du manioc dans la panification en RDC
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L’invasion de l’Ukraine par la Russie perturbe l’industrie de panification dans le monde, et même en RDC, particulièrement pour l’importation du blé. Face à cette situation, le ministre des Finances de la RDC a invité les Congolais à saisir cette opportunité d’affaires en introduisant le manioc dans la fabrication du pain.
“Le ministre de l’industrie était en réunion avec le Premier ministre, il nous a expliqué qu’ils sont en train de travailler sur ce qui se fait partout dans le monde, introduire un peu de manioc dans le pain, dans la panification. Il y a des pays qui sont arrivés à 20% et voire plus. C’est comme ce qui se fait au Brésil, farine de blé 50%, de manioc 50%. Nous nous sommes encore à 0%”, a déclaré Nicolas Kazadi, le Ministres des Finances, le 9 avril 2022.
Cette déclaration du ministre des Finances a fait débat chez quelques professionnels de l’agriculture dans les réseaux sociaux, notamment sur Whatsapp. Le Papyrus reproduit ces échanges qui donnent une idée sur la capacité du pays à se suffire lui-même sur les cultures susceptibles d’aider à produire les différentes farines intervenant dans la fabrication du pain. Voici ces échanges dans les lignes qui suivent :
Mvula Michel a soutenu cette idée en affirmant : Ça, moi je l’ai vécu à l’INERA Mvwazi. La farine de manioc et ça marche et d’ailleurs, j’ai même déjà mangé ce pain
Mme Léonide Bawa est allée plus loin en soulignant : Pas seulement le pain, on peut faire beaucoup d’autres recettes à base de la farine panifiable de manioc. Cette technologie à déjà été introduite par l’INERA, la FAO et l’IITA il y a plusieurs années, mais l’Etat n’a pas accompagné l’initiative. D’ailleurs quelques boulangeries l’utilisent déjà. Ex: le pain communément appelé » Kanga journée ».
Un intervenant, Jaja Muganguzi, a cherché à se renseigner sur la culture du blé en RDC : Si le blé peut pousser chez nous, alors cultivons le blé. Est- ce que quelqu’un peut me dire si le blé peut être cultivé sur le plateau de Bateke ?
Audry Muke a répondu à Jaja Muganguzi : Cette culture se porte bien à Lubero (Nord-Kivu). On a besoin d’un appui technique, financier et humain à la station de Ndihira pour qu’on fasse la différence. Plaider pour nous. En 2019, on a reçu 50 variétés qui sont passées en essai d’adaptation. On avait retenu 29 qui sont passées en essai comparatif variétal. Après on a retenu 20 qui sont passées en petite multiplication. Aujourd’hui on a 8 plus meilleures variétés prêtes à être diffusées.
Il a poursuivi en ces termes :
En 2020 on a reçu deux lots :
– 50 variétés for high rainfall (HRF)
– 284 variétés pour les régions semi-arides
1) de 50 variétés HRF, on avait retenu 37, aujourd’hui 12 sont en essai variétal.
2) de 284 variétés semi-arides, on avait retenu 149, aujourd’hui 22 sont en essai comparatif.
Objectif global : Relancer la culture de blé dans la région.
Objectif spécifique : Relancer la recherche sur le blé dans la station de Ndihira.
Partenaires :
1) CIMMYT
2) localement : UCG
3) potentiels : MDEMA, commerçants (ex: Ets Palos)
Opportunité : QG de la zone industrielle à Musienene, enthousiasme de la population locale au blé qui jadis était une culture de rente dans la région.
Contraintes :
-Pas de chercheurs
– pas de mains d’œuvres et celles qui sont disponibles ne sont pas mécanisées.
– pas de marché
Ngoy Yakabue a remonté le temps avec cette préoccupation : Quand nous étions enfants, il y avait la Minoterie de Matadi (Midema). Quelqu’un peut- il nous parler de cette minoterie ? Cette minoterie produisait de la farine de froment ? N’avait- elle pas de champs ? Si oui, c’est une bonne opportunité de les relancer. Nous pouvons aussi valoriser nos maniocs. Dans nos villages, ils fabriquent les beignets (Mikate) a base de la farine de Maïs et Manioc.
Prof Lumpungu a alors fait une intervention pour clarifier la situation de Midema : Oui, curieux, une minoterie au port! On peut se poser la question si le blé était congolais. En réalité, les champs se trouvent à des milliers de km de la RDC. Dès que la cargaison arrive au port, les grains sont moulus, conditionnés et transportés vers le grand centre de consommation, Kinshasa.
Israël Bobo a ensuite posé une question : Est-ce vrai que le blé pousse bien à Mulume munene- Sud Kivu et à Mutwanga/ Ruwenzori vers Beni ?
L’ingénieur Paul Mulengambo a répondu à cette préoccupation : De part la géolocalisation, oui. Le blé doit y pousser. Pour Mulumemunene, correct. INERA Mulungu y a mené les essais d’adaptation, c’est ok. Pour Mutwanga, je ne peux pas trop affirmé. Masisi aussi, c’est la zone du blé.
Chic Kabeya a aussi remonté le temps pour donner quelques informations : Merci beaucoup pour toutes ces informations libératrices et révolutionnaires. En 2018, nous avons travaillé dans notre ONGD AABT avec des collectifs locaux dans les milieux ruraux du secteur Boko (Mbanza-Ngungu) sur la fabrication des pains à partir du manioc sous la supervision de l’agronome Dr Mbungu. Cela a réussi à 75%. A partir de là, nous pensions étendre l’action dans d’autres secteurs ruraux mais cela impliquait de gros moyens financiers et techniques, mais les projets existent encore. Est-il possible que notre cher Professeur Kizungu puisse organiser des conférences en la matière en vue de sauver la population congolaise de la crise du blé qui est en vue ?
Intervenant sur la question des moyens, Benoit Mukendi a fait cette recommandation : Utilisons la voie qui va nous demander moins des moyens financiers, car les gros moyens financiers viennent souvent de ceux- là qui ne veulent pas notre indépendance.
Le ministre des Finances a certes lancé le débat, mais il est difficile à ce stade de parier pour l’implication de l’Etat congolais dans cette recherche consistant à remplacer le blé par le manioc D’ailleurs, durant les échanges, l’ingénieur Dieum a affirmé : C’est bien, mais l’État congolais néglige notre domaine de l’agriculture.
Propos recueillis par JRB